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    Blanche déboucha dans l’allée de fusains, rouge, essoufflée, en nage, devant le poulailler où Agathe finissait de nourrir ses bêtes.
    ‑ Que vous arrive‑t‑il ? Interrogea Agathe en refermant derrière elle la porte grillagée. Auriez‑vous reçu une mauvaise nouvelle ?
    ‑ Bonne… mauvaise… Ma bru demande à venir une dizaine de jours avec Mademoiselle, la répétitrice de ses filles.
    ‑ Voilà donc une bonne nouvelle !
    ‑ On voit que vous ne connaissez pas Mademoiselle. C’est un caractère qui ne transige ni avec les principes ni avec l’étiquette. D’abord, où la mettrais-je ? Voudriez-vous que je l’installe dans ma chambre ?
    ­ ‑ Ce ne sont pourtant pas les lits qui manquent, lança sournoisement Agathe qu’aiguillonnait une pointe de tardive rancune, à la suite d’une vieille querelle qui les avait opposées au sujet d’un lit, abandonné au coin de la rue. Logez‑les dans la grande maison.
    ‑ Voyons, Agathe, je suis payée pour l’entretenir, non pour en disposer !
    ‑ Bah ! Les propriétaires vivent aux antipodes. Qu’en sauront‑ils ?
    ‑ C’est pour le principe…
    ‑ Les principes… Nous y revoilà, conclut Agathe.

     

    Un mois plus tard, Blanche et Agathe, qui tirait la petite remorque qu’elle utilisait d’habitude pour transporter les bouteilles de gaz, accueillirent à l’arrivée du car Hélène accompagnée d’une espèce de court piquet à forte poitrine et à tête de duègne outragée. On fit les présentations.  Les arrivantes déposèrent leurs bagages dans la caisse brunasse de la remorque. Sur le chemin du retour, on n’échangea guère que quelques considérations relatives au temps et aux agréments du lieu. Mais lorsque la petite troupe franchit l’imposante grille de Ker Soizic, un imperceptible tressaillement détendit les traits de Mademoiselle. En entrant dans la grande maison elle esquissa un sourire, puis devint tout à fait aimable quand elle découvrit sa chambre : une haute pièce tendue de toile de Jouy dont la fenêtre ouvrait sur la mer qui scintillait à l’extrémité du jardin d’agrément. A l’instant elle se vit châtelaine !

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  • Voici la photo de l'une de mes arrières-grands-mères bébé. Elle a été prise en 1865, à Montebourg, dans la Manche.



    Enfants cherbourgeois - 1900
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  • ‑ Santa Anna…

    C’est alors que, levant les yeux vers le ciel pour implorer son inspiration, il aperçu un nid de pie qui se balançait au sommet d’un pin de Lambert. Sans hésiter, il tonitrua sur l’air des litanies :
    ‑ Grand Dieu qu’les nids de pie sont hauts !
    Déjà lancé pour le répons, Marcel proclama aussitôt de sa voix de stentor un « orate pro nobis » qui s’affaissa decrescendo au fur et à mesure qu’il réalisait sa bévue.

    Aux côtés de Marcel devenu soudain muet, Monsieur le curé gardait un masque impassible que démentaient les tremolos  hilares qui agrémentaient de temps en temps le flot uniforme des litanies. Derrière eux, les enfants de chœurs réprimaient à grand peine leur fou rire en se trémoussant. Un joyeux frisson parcourut bientôt l’échine du cortège presque au moment où il pénétrait dans le sanctuaire. Jamais on ne suivit office plus enjoué !

     

    Toutefois Satan n’avait décidément pas dit sont dernier mot… Au sortir de la cérémonie, le ciel plombé annonçait la tempête. Les deux hommes enfourchaient  leurs vélos lorsque une rafale perfide emporta la belle chevelure rousse de monsieur le curé devant ses paroissiens médusés qui découvrirent le crâne nu comme un galet de leur pasteur ! Au même moment, un énorme, insupportable rire (qui résonne encore dans toutes les mémoires) brisa l’inflexible rigueur du bedeau dont la sainte componction s’envola pour toujours avec la perruque carotte du curé !

     

    A l’instigation de Madame Hascoët, de fidèles dévots, parmi lesquels Mademoiselle de Kerkinion et Monsieur Pépin, profondément ébranlés par cette succession d’incidents diaboliques, adressèrent une vibrante supplique à Monseigneur afin qu’il écartât de la paroisse les deux fautifs.

    Illustrations : Compositions réalisées à partir d'images d'Epinal (La procession de la Fête Dieu et La procession de la Vierge)

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