• A peine un drame - 2

    En bas Mademoiselle Lilith miaule ; les triangles noirs de ses oreilles dressés, elle tourne, implorante, autour de Marc qui se défend :
    - Laisse-moi tranquille ! Je n'ai pas pris ton oiseau !

    A l'heure du déjeuner, Elisabeth n'a pas l'esprit à la conversation. Elle réfléchit à cette vie minuscule cachée dans la nuit du meuble. Peut-être s'est-elle déjà évanouie ? Elle imagine avec dffroi les jeunes qui attendent en vain leur parent nourricier. La nature est féroce elle aussi. La voilà  triste, fâchée d'appartenir à un monde sans pitié.

    Au dessert Elisabeth invente prétexte à s'éclipser là-haut où elle retrouve Dag pelotonné sur le lit. L'oiseau non plus n'a pas bougé. Mais son oeil est toujours vif, plein de lumière. Prévenante, elle glisse sous lui un papier buvard et découvre une tache rouge à la racine de sa queue. C'est une blessure superficielle. L'espoir renaît.

    Elisabeth est venue nous rejoindre pour le café, de nouveau volubile. Nous devinons que les choses s'arrangent. Mademoiselle Lilith se fait caressante. Elisabeth réconciliée glisse la main sur la soie de son dos tandis qu'elle ronronne d'aise en dissimulant deux lacs insondables dans les plis sombres de ses paupières.

    Les heures ont passé. Le coeur chancelant Elisabeth tire la porte de l'armoire : l'accenteur mouchet marche accroupi entre les piles de linge. Miracle ! Dag, intrigué, accourt aux nouvelles. L'oiseau tourne sa tête fine à droite, à gauche, puis s'envole dans un nuage de duvet. Dag a sauté ; l'a manqué. Que d'émotions en un seul jour ! L'accenteur mouchet s'est réfugié en hâte derrière le vase, sur la commode.

    Furieuse, Elisabeth a jeté le chien dehors. L'oiseau, quelques instants étourdi, se précipite tout à coup dans le paysage du miroir. Le choc l'envoie à terre. Effrayé par cette prison inattendue, il court sur le tapis. Enfin il repère le vasistas et, plein d'espérance, il s'élance vers l'infini du ciel.

    Assise sous les pommiers, Elisabeth écoute chants et gazouillis. Sa voix mêlée aux autres, son pensionnaire entonne-t-il un hymne à la vie ?
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