• Le feuilleton hebdomadaire 45

     

    Le blog de la voisine (base)

     

    8 novembre 2010

     

    Mark et Susan formaient un modèle d’attentions mutuelles. C’est d’ailleurs lors de notre séjour qu’ils célébrèrent leur demi-siècle de mariage. Ils avaient organisé une fête simple à leur domicile. Mark, qui travaillait en saison dans une entreprise de conditionnement de tomates, avait invité quelques collègues, un couple d’anglais, trois français (bretons et normand), cinq ou six guernesiais. Nous nous répartissions entre divers sièges rassemblés autour de la table et des fauteuils crapauds occupés par les « mariés ». Ah ! Les couleurs appétissantes des gâteaux anglais et des jellies tremblotantes ! Hélas, le goût n’était pas à la hauteur du régal visuel ! Qu’importe ! Le plaisir de se trouver réunis autour des tendres époux prévalait.

    Avec Alphonse nous aimions emprunter les routes bordées de haies pour descendre jusqu’à l’anse de Roquaine. De leurs prés les petites vaches guernesiaises nous observaient. Nous admirions leur robe chamois et leurs fines cornes. Elles produisaient un lait délicieux dont nous avons bu des pintes. Même Alphonse l’appréciait. C’est dire ! A quoi cela tenait-il ?  A la race, au climat de l’île ou bien aux tombereaux de tomates déversés dans une coin de leurs prairies ? Et les glaces de Guernesey, à nulles autres comparables ! Sans doute étaient-elles confectionnées à partir de la crème de ce lait exceptionnel. Nous nous en sommes gavés.

    Au passage nous nous arrêtions aux Fisherman’s Stores pour acheter des cartes postales ou divers objets courants. Puis nous flânions le long de la côte qui nous rappelait la Bretagne, jusqu’à l’une ou l’autre de ces criques où nous paressions des heures entières. Certains soirs nous retrouvions les collègues de Mark dans un pub voisin. Nous buvions une bière ou deux avant de nous affronter aux fléchettes. Je gagnais assez souvent à ce jeu. Nous fréquentions aussi la ferme des fraises. Nous bavardions là tout en dégustant un gâteau aux fraises et une tasse de thé, au milieu des fraisiers qui descendaient en cascades depuis la verrière.

    Mais surtout, Alphonse et moi, nous savourions les promenades au clair de lune, bras dessus, bras dessous, à travers les chemins noyés de nuit, à l’écart des habitations, amoureux comme au premier jour. Nous marchions au hasard, baignés par la fraîcheur de la brise. De temps en temps nous percevions le frôlement d’une vache ou la rumination patiente du troupeau derrière un mur de ronces. L’île magique nous ensorcelait. Tard, très tard, nous rentrions sans bruit dans la maison assoupie.

     

    10 novembre 2010

     

    Maintes fois nous avons croisé la pancarte qui indiquait Les Vaubelets. Cependant je ne me rappelle pas que nous y soyons entrés pour admirer la minuscule église (la plus petite du monde dit-on) tapissée de tessons de faïence. Après tout, le but de notre séjour était moins le tourisme que l’espoir de ranimer la flamme vacillante de notre union.

    Peut-être l'avons-nous visité, finalement, car je viens d’en retrouver deux photos… Tant mieux pour les lecteurs de mon blog !

     

    12 novembre 2010

     

    Quand nos hôtes voulaient garantir leur intimité, ils s’exprimaient en patois normand. Ce qui nous amusait car nous le comprenions mieux que l’anglais ! Il arrivait à Susan d’entonner :

    J’irons tous à la St Jean
    Dansair à la Roque Ballan.

    Plusieurs fois elle avait évoqué aussi la Gran’mère du Chimquière à St Martin. Cela sonnait comme un accent de la France profonde. C’est là tout le charme de Guernesey qui réunit sur son sol mode de vie britannique, parler normand et paysages bretons.

    Au moment du retour nous avons embarqué par forte houle. Pour la première fois de ma vie j’éprouvai un abominable mal de mer qui me paralysa… au milieu de la passerelle de l’aéroglisseur ! C’était une sensation affreuse. Je restais là, suspendue entre ciel et mer sans pouvoir faire un pas en dépit des encouragements de mon mari. Un matelot se chargea de ma valise et m’entraîna d’un bras vigoureux à l’intérieur. D’un coup mon malaise disparut tandis que la moitié des passagers commençaient à hoqueter !

    Notre relation amoureuse venait de jeter ses derniers feux. Le miracle serait de courte durée. Bientôt ses préoccupations carriéristes accépareraient Alphonse...

     

    N.B. Ceci n'est pas un journal intime mais une fiction.

    « Chantons pour la paixL'autre ville - Georges Coks »
    Yahoo! Google Bookmarks

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :