• Le feuilleton hebdomadaire 49

    Le blog de la voisine (base)

     

    6 décembre 2010

     

    Nous sommes toujours prisonniers de la neige. Un VSL* est venu chercher Claude R. Je ne sais pas de quel problème de santé elle souffre, mais ce doit être assez sérieux.

    Notre toujours jeune homme descend de plus en plus souvent chez les dames H. Y aurait-il anguille sous roche ?

     

    7 décembre 2010

     

    Quelques degrés supplémentaires n’ont pas réussi à effacer toutes les traces de neige.  Toutefois certains volets, clos depuis le début des intempéries, ont été rouverts, ce qui rend un peu de gaieté au faubourg.

     

    8 décembre 2010

     

    Le ciel gros de nuages sombres se vide sur nos têtes depuis le milieu de la nuit. Ce temps lugubre nous oblige à garder les lampes allumées une partie de la journée.

    Essayons de nous distraire de la morosité hivernale. Plongeons nous dans la lumière des souvenirs estivaux, dans les photos et les cartes postales qui en ont fixé à jamais quelques étincelles.

    Les années coulent sur les événements de la vie sans que nous en prenions conscience avant qu’elles ne nous submergent. Alertés soudain par une ride, quelques cheveux blancs, la sortie des enfants du cycle scolaire, nous nous disons : déjà, quand nous commencions à croire au retour immuable des péripéties liées aux saisons. Alphonse et moi nous étions insidieusement installés dans la routine. La jeunesse nous quittait. Alphonse progressait dans l’échelle hiérarchique de sa banque. Colloques, séminaires, rendez-vous, le retenaient souvent à l’extérieur. Il voyageait beaucoup et, au moment des vacances, aspirait au calme.

    J’aurais aimé que nous nous accordions au moins une semaine seuls, loin du cercle des intimes et des aléas quotidiens. Alphonse prétextait la fatigue engendrée par les transports, les décalages horaires. Aussi retrouvions-nous désormais chaque été la propriété de la Côte de Jade. Je soupçonne mon mari d’avoir, par ce biais, tenté de garder un pied en enfance.

    Nos parents s’étaient liés d’une réelle et profonde amitié, de sorte que les miens reconduisaient d’année en année la location de l’appartement dans la grande maison carrée.

    Certes nous étions privilégiés. Nombre de moins nantis enviaient notre mode de vie. Nous profitions d’une vaste villa entourée d’un grand jardin arboré à deux pas de la mer. Nous pratiquions la natation, le tennis, la voile, la pêche et le farniente, plus que de raison ! Pourtant je me sentais souvent –comment dirais-je ?- déplacée, en quelque sorte. Une nuée d’enfants gambadaient autour de nous. Des phrases anodines, sans doute prononcées en toute innocence, me transperçaient le cœur. (Ce n’est pas grave, tante Alice ne sait pas ; elle n’a jamais eu d’enfant. Ou bien ma mère : « Ils ne confieraient pas leurs enfants à n’importe qui. ») Ainsi, moi, leur tante, j’étais donc ravalée à la condition de n’importe qui ? Alphonse temporisait : ce n’était que des écarts de langage malheureux, des propos étourdis.

    Un autre sujet de malaise était la coterie que formaient, me semblait-il, au sein de la famille, les trois sœurs mariées aux trois frères, leurs maris et leurs enfants. Il est vrai qu’ils partageaient les mêmes parents, grands-parents et nombre de traditions. De plus, Paul, Bruno et Yves occupaient tous les trois des postes-clefs à la tête de l’entreprise familiale. Ce qui, en l’occurrence, les rapprochait.

    Alphonse faisait figure de dissident. Et que dire de moi ?

     

    * Véhicule sanitaire léger

     

    N.B Ceci n’est pas un journal intime, mais une fiction

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