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Le feuilleton hebdomadaire 51
20 décembre 2010
Nous ne saurons rien. Melle H. a refusé d’abattre ses cartes et ne nous a pas livré le nom de ce célèbre écrivain sensé faire les beaux jours de son salon de thé. Ce qui m’a valu une insomnie. Quel auteur contemporain pourrions-nous croiser ici sans que cela se sache ? C’est impossible dans une petite cité comme la nôtre ! A moins que Melle H. considère que la proximité s’étende au département, voire à la région…
21 décembre 2010
Bien que je n’aime guère me déplacer en cette saison, j’accepte volontiers l’invitation de Paul à passer Noël chez lui. Depuis la disparition de ses parents, en qualité d’aîné, il a pris l’initiative de réunir les siens au moment des fêtes, comme ils le faisaient autrefois. Bruno et Yves vivent sur place et chacun, à tour de rôle, invite les autres.
Que reste-t-il de ma propre famille ? Parents, oncles et tantes sont décédés. Mes relations avec mes cousins se réduisent à des échanges épistolaires à l’époque des vœux. Je recevrai une carte exotique de Sylvie qui doit à peine se souvenir de la France après toutes ses pérégrinations. Lequel d’entre nous aurait imaginé tant de distance à l’époque de nos vacances communes à Oléron ? La famille n’est au fond qu’un leurre, un lien fugace dans l’histoire des générations ; la rencontre évanescente de deux lignées qui se mêlent puis se séparent au fil des unions successives de leur descendance…
22 décembre 2010
Je pourrais profiter de la fête de la Nativité pour intercaler, entre les photos de carrelets et autres souvenirs estivaux, des vues de notre séjour en Israël, quand les frères ignorantins (ainsi désignés par Voltaire avec beaucoup de mépris) mutèrent Dominique dans un collège de Bethléem. A cette annonce, sa mère pleura de nouveau. Puis elle se consola quelque peu lorsqu’elle nous convainquit de passer Noël en Terre Sainte. Cette femme épuisée par la maladie déploya une énergie insoupçonnable pour mener à bien sa volonté ultime. Elle, qui toute sa vie, en épouse modèle, s’était effacée au profit des desiderata de son mari, se chargea de l’organisation du voyage, consulta diverses agences, compara les prix et les prestations, s’informa des circuits proposés et réserva elle-même nos billets ! Bruno et Yves, dont les enfants étaient encore très jeunes, ne nous accompagnèrent pas.
Ma belle-mère avait porté son choix sur un pèlerinage organisé qui laissait une certaine latitude dans l’emploi du temps. Ainsi pourrait-elle se reposer ou rendre visite à son fils tandis que nous nous joindrions à une excursion. A peine informé de son projet, son médecin poussa les hauts cris et pria mon beau-père de l’en dissuader. Elle courait à la mort si elle accomplissait un tel trajet en avion. Rien ne la fit fléchir. Sur place, sa santé s’altérait. Nous le constations tous, bien qu’elle rayonnât de félicité. Dès notre retour, elle déclara à son généraliste :
— Vous voyez, docteur, j’avais raison. Avec l’aide du Seigneur tout s’est bien passé et je suis encore vivante !
Elle s’éteignit huit jours plus tard, d’une embolie cérébrale.
23 décembre 2010
Mon blog attendra. Mieux vaut partir pendant que les routes sont encore praticables. Les services météorologiques annoncent un peu partout neige et verglas.
N.B. Ceci n’est pas un journal intime, mais une fiction.
Tags : 2010, bien, decembre, passe, pourrait
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Commentaires
Où sont passés tos les commentaires de tes visiteurs!
Ils sont partis à Nazareth, et bien j'aimerai suivre le mouvement!!!
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jocelyne :
Je n'ai pas eu la patience de les importer ici et je le regrette maintenant !