• Le feuilleton hebdomadaire 52

     

    Le blog de la voisine (base)

     

    27 décembre 2010

     

    La maisonnée est assoupie. Hélène m’a autorisée à utiliser son ordinateur et je profite du calme matutinal pour consulter les statistiques de mon blog. Cette manie tourne au toc ! Elle devient une nécessité aussi impérieuse que le geste obsessionnel du fumeur !

    Clic, clic. L’examen des graphiques vous calme tout de suite. Depuis mon départ mon site a reçu une ou deux visites par jour. Bientôt je toucherai le fond. Le Nouvel An approche et, à mon habitude, je vais prendre quelques bonnes résolutions, dont une que je TIENDRAI SANS FAILLIR. Au préalable, allons aux nouvelles.

    Clic. Claude R. a mis son blog en pause –c’est rare.

    Clic.  CS-qui poursuit les publications de ses recettes et menus.

    Clic, clic. Les récits de randonnées et de voyages de scouttoujours sont plébiscités, quoique le nombre de commentaires marque un léger fléchissement.

    Clic. Tatiana ne se préoccupe guère de sa notoriété, mais ses photos artistiques lui assurent un flot constant de visiteurs.

    Clic. Parteutatis attire toujours la foule.

    Clic. Lucullus reste visible mais muet.

    Clic – mon administration – clic, clic, CLIC : J’EFFACE TOUT.

    C’est fait. Mon blog n’existe plus ! Ce geste audacieux ( ?) s’accompagne à la fois de soulagement et de regret. Celui d’avoir en quelque sorte effacé mon passé et rompu des liens amicaux, bien que virtuels. J’éprouve le sentiment d’avoir échappé à une drogue qui faussait la réalité. Libérée désormais de l’obligation de trier mes derniers clichés, de les mettre en page et de revivre la partie la plus désagréable de ma vie.

    Alphonse, il faut le reconnaître, n’a jamais été avare avec moi. Ce qui me permit de sillonner l’Europe. Une ou deux fois par an je jetais mon dévolu sur telle ville ou telle région que j'explorais  en voyage organisé.  Plus tard, lorsque je fus assez aguerrie, je réservais une chambre ou un studio et j’employais mon temps à ma guise, soit seule soit accompagnée d’une ou deux amies. Mais ces périples ne présentaient pas le charme de ceux d’antan.

    Alphonse et moi, nous avions évolué au cours de tant d’années de mariage. Nos caractères et nos cheminements divergeaient. Nous devenions étrangers l’un pour l’autre, lui, écrasé par le poids des responsabilités professionnelles et la démesure de son ambition ;  moi, oisive, superficielle, indifférente au carriérisme. Son licenciement révéla la crise aiguë que traversait notre couple. Humilié, Alphonse devenait acerbe. Il me reprochait mon ignorance du monde du travail et des problèmes de société.

    Nous avons été contraints de vendre notre appartement parisien, puis de nous rabattre sur celui que j’occupe aujourd’hui et qui n’avait vocation qu’à être loué. Les quatre années qui le séparaient de la retraite furent un calvaire. Lorsque Alphonse nous quitta, peu après l’avoir prise, je me sentis plus soulagée que triste.  Pourtant je pleurai beaucoup sur nos années heureuses, celles de notre passion et de notre complicité ; sur le regret qu’elles se soient aussi vite envolées. J’aimais Alphonse. Celui d’autrefois, que je discernais encore, dans son âge mûr, à certaines expressions, à son regard, à ce qui transparaissait derrière les rides. En ces instants, je le retrouvais identique à ses jeunes années.

     

     

     

    EPILOGUE

     

    31 décembre 2010

     

    7 h – A peine levée, Claude R. allume la radio pour créer un fond sonore pendant qu’elle prépare son petit déjeuner. Le bourdonnement des voix lui donne l’illusion d’une présence. En vérité, elle ne prête aucune attention à ce qui se dit.

    Sur le point de refermer le flash info, le speaker annonce :

        Nous venons d’apprendre que l’écrivain controversé Aymard Faust de Krakoya se serait tué dans un accident de la route. Nous reviendrons avec plus de précisions sur cette information dans le journal de 13 h.

     

    7 h 05 – Sébastien entend la nouvelle sur son autoradio. Son collègue rit et ironise :

           — Encore un qui dans la réalité s’appelle Durant ou Dupont comme vous et moi !

     

    10 h 12 – Le téléphone sonne chez les H.  Melle H.  décroche :

           — Allo ! Oui ?... Oui… Ce n’est pas possible !... En es-tu certain ?... Je l’ai vu une heure ou deux avant… Renseigne-toi.

        Qui est-ce ?  demande Mme H.

        Jean-Pierre.

        Qu’est-ce qu’il voulait ? 

        Eric Bernard aurait été victime d’un accident de la circulation.

        Cela t’étonne ?  Moi pas ! Malgré son air ahuri, il roule comme un fou !

     

    13 h 02 – On se prépare à passer à table chez Paul. Il a invité Alice à prolonger son séjour en raison des conditions météorologiques. La conversation accapare les grandes personnes. Aucune ne remarque la petite Cécile qui sautille dans l’encadrement de la porte et serine :

            — On voit la maison de tante Alice à la télé ! On voit la maison de tante Alice à la télé !

    Cécile vient se balancer sur l’accotoir d’Alice et insiste :

        Ta maison passe à la télévision !

    Distraite, notre voisine qui discute avec les adultes écarte sa petite-nièce :

        Oui ma chérie. Tu vois bien que je parle à ton grand-père. Retourne jouer avec tes cousins.

     

    FIN

     

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