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Votre feuilleton du week-end : Le Salon de thé 45
Semaine 45
Claude presse le pas talonnée par la musique infernale qui court au-dessus de sa tête d’un versant à l’autre, à l’orée du bois. Le vent chaud agite les ombres griffues des branches autour des derniers lampadaires de la rue, jette quelques gouttes sur le tapis dense des feuilles mortes.
La rigueur cartésienne de Claude Roux est mise à mal par la peur incontrôlable d’elle ne sait quelle menace qui plane sur la nuit. Varech folâtre, flaire le bord du chemin alors que, paniquée, elle essaie de se hâter jusqu’aux premières maisons. Chez elle encore, elle sursaute au moindre craquement.
—Je suis aussi bête que les autres, maugrée-t-elle. A évoquer sans fin forces du mal, revenants, diables et sorciers, votre cervelle finit par en être possédée !
Le lendemain au grand jour, elle découvrira combien elle a été sotte la veille au soir, effrayée par les sifflements de la ligne à haute tension !
A la différence des précédents, le thé littéraire a empli le salon Chez Adèle H. au point que mademoiselle Hermenier a été obligée d’ajouter quelques sièges des siens. Le thème du jour était pourtant rébarbatif : Analyse critique de l’œuvre d’Aymard Faust de Krakoya. Bien que surpris par ce succès inattendu, monsieur Dessablettes et Adèle Hermenier (qui en a été la possible inspiratrice) ont failli se réjouir un peu vite. Car il s’est bientôt avéré que la majorité de l’assistance s’intéressait davantage à la facette sulfureuse de la personnalité de l’écrivain qu’à son art controversé.
On a très vite insinué que Faust de Krakoya aurait pu connaître l’antre du mal, découvert il y a peu, et s’y adonner à diverses débauches et diableries avec des comparses. Assertion aussitôt récusée par le président d’Arts et Sciences : toutes les recherches menées tant par les archéologues que par les spéléologues ont démontré qu’il n’existe aucun accès récent au réseau des souterrains.
—Ta ta ta ; et les caves de l’Hôtel Pochon, les avez-vous explorées ?
—Certes non, mais si tel avait été le cas, nous aurions repéré l’ouverture d’une ou des galeries au départ du sous-sol…
—Et dans sa cave à LUI ?
Mademoiselle Hermenier a cru bon d’intervenir pour certifier que rien de tel n’était envisageable.
—Si monsieur Tchang, à qui elle appartient désormais, était présent, il vous confirmerait qu’on n’y trouve aucune trace d’ouverture.
Un remue-ménage exaspéré suivit ses propos.
—Et dans l’ancienne cuisine du château ? Après tout vous seule y descendez, non ?
—Elle a été sondée par l’entreprise Le Lièvre ainsi que par les archéologues et nous n’avons relevé que deux issues possibles : celle qui donne sur les souterrains-refuges et l’escalier, en grande partie comblé par des gravats. Vous avez pu constater, comme nous, que nous avons dû détruire en partie la pelouse et les buissons qui le recouvraient pour en dégager l’accès.
—En tout cas, lance quelqu’un, il a drôlement terminé le Bernard !
—C’est vrai, ajoute son voisin. Les sorcières autrefois finissaient souvent mal. Combien se pendaient ? Vous rappelez-vous la mère Barotin ? Il paraît qu’on n’arrivait pas à soulever son corps et les gendarmes se sont empressés de ramasser la corde pour que personne n’aille faire des tours avec.
—Allons, proteste une auditrice, laissez donc cette pauvre femme en paix ! C’est la misère et l’indifférence qui l’ont plus sûrement tuée que le Malin ! Elle avait élevé neuf enfants. Combien se préoccupaient d’elle ? Un seul, Maurice, qui n’était pas le plus fin. Tout le monde s’en écartait en prétextant qu’elle jetait des sorts. La bonne excuse !
Il y a eu des oh ! et des ah ! mécontents et gênés. Monsieur Dessablettes essayait de ramener le calme et de recentrer l’attention de l’auditoire autour du sujet initial de la réunion, en vain. Alors Adèle Hermenier, dans l’espoir de calmer les esprits, proposa de passer prendre la commande de chacun.
Les conversations se sont poursuivies autour des tables jusqu’à l’heure de la fermeture. Beaucoup sont repartis persuadés qu’on leur cache quelque chose. Plusieurs membres d’Arts et Sciences ont préconisé que les thés littéraires soient dorénavant réservés aux seuls membres de l’association. Mais mademoiselle Di Felice et Claude Roux s’y sont opposées avec fermeté.
N.B. Ceci est une fiction
Tags : feuilleton, votre feuilleton du week-end, le salon de thé 45, sorcières, peur, superstitions
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Commentaires
itti :
En ce moment je n'en ai pas le temps. Mais un jour je reprendrai peut-être l'ensemble de mes feuilletons pour les illustrer...
bonjour déjà la moitié de la semaine, je te souhaite une très bonne journée amitiés bises rené12ittiMardi 15 Novembre 2011 à 13:42fanfan 2 :
Notre monde moderne n'a pas éteint les vieilles surperstitions. Elles renaissent vite !
Eva Baïla, algerome, Petite Jeanne :
Comme dans tous les salons où l'"on cause" !
mais quels cancaniers!!!! Ils aiment le mystère mais accuser ainsi..... Je pense que tu as parfaitement illustré comment nait la calomnie...
Les gens veulent trouver des mystères sulfureux là où il n'y en a pas:ils sont sans doute frustrés qu'on n'ait rien trouvé dans les souterrains!
Bonne semaine
mapomme :
Contente de voir que mapomme a roulé jusque dans mon verger !
René 1 :
Merci René. Bonne semaine à toi aussi.
3mapommeDimanche 13 Novembre 2011 à 12:37Bien le bonjour de mes terres brouillardeuses (autant que mon esprit). Merci pour votre com d'hier. Il a fait mouche
bonjour c'est avec un beau ciel bleu et plein soleil, que je passe te souhaité un très bon dimanche amitiés bises renébonsoir, je te osuhaite un bon week end, prolongé en plus ça fait du bien bonne soirée bisous
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rené 1 :
Oui, le temps passe d'une façon affolante !