-
Votre feuilleton du week-end : Le Salon de thé 47
Semaine 47
Les trésors ne sont pas toujours cachés là où nous les cherchons ; parfois inattendus, trop présents pour que nous les remarquions. Leurs inventeurs sont près de crier au miracle quand ils leurs échoient. Ils auraient pu tomber en d’autres mains au gré des circonstances. Une pièce déplacée suffit à bouleverser le jeu de la vie.
C’est ce qui est sur le point d’arriver à Claude Roux. Mais elle ne s’en doute pas encore. Pour le moment elle inspecte son armoire et son buffet à la recherche de bagatelles qu’elle pourrait monnayer chez les brocanteurs. Il faut faire face à l’hiver et aux fêtes de fin d’année, hantise des déshérités qui n’en peuvent plus de recevoir sans jamais rien offrir en retour. Claude bouleverse ses étagères et ses tiroirs déjà largement pillés.
Sous de vieilles nappes un carton avachi attire son attention. Elle l’avait oublié. Des livres y ont été serrés il y a longtemps, lors de ses premiers déménagements. Ils sont rangés en piles irrégulières dans lesquelles alternent ouvrages à bon marché et recueils brochés avec soin. Presque aucun n’a de valeur, hormis celle de son contenu historique ou littéraire. On les lui rachètera au poids, pour une bouchée de pain. Ils ont accompagné ses meilleures années de faculté.
Claude les prend un à un, les palpe, les feuillette, hume l’odeur du papier, y puise de très anciennes émotions. Lorsqu’elle plonge une fois encore la main dans l’emballage, ses doigts se heurtent à la douceur d’un cuir patiné par des siècles de manipulations. C’est un petit in-8° à reliure de maroquin rouge. Les pages de garde sont couvertes de tabis* rose à peine élimé sur les arêtes. Une camarade d’études, dont elle a oublié jusqu’au prénom, le lui avait offert pour ses vingt-six ans.
—Tiens, un beau livre ! Je l’ai trouvé dans une poubelle hier soir.
Claude ne s’en était pas formalisée. Cette jeune fille travaillait une partie de la nuit pour payer ses études. Elle avait pris ce pli de fouiller dans les poubelles sur le chemin du retour. C’était fou ce qu’elle y trouvait, affirmait-elle. Quelqu’un avait dû mourir et on avait vidé le contenu de ses meubles sur le trottoir au milieu des ordures. Ce volume, enfoui parmi des hardes, avait été jeté par ignorance ou par mégarde, dans la précipitation à libérer l’appartement. Elles l’avaient feuilleté ensemble. Il était titré : Histoire naturelle et moralle des Indes tant Orientalles qu’Occidentalles et portait la signature d’Acosta.
Claude l’avait exposé sur l’étagère de sa chambre jusqu’à la fin de son cursus universitaire. Puis elle l’avait empaqueté et ne s’en était plus souciée persuadée de posséder une reproduction récente.
Aujourd’hui seulement elle prend conscience de son prix potentiel. Où se renseigner maintenant qu’elle n’a plus internet ? Monsieur Dessablettes pourrait peut-être la conseiller ? Elle n’en espère pas une fortune, mais juste de quoi améliorer l’ordinaire quelques temps. Il s’agit sans doute d’une copie du 17ème siècle, voire plus tardive.
Tandis que Claude range avec soin son précieux volume, au rez-de-chaussée Adèle Hermenier s’entretient avec Hans Niessl qui a décidé de prolonger son séjour en Touraine. Ils élaborent trente-six projets. Désormais une porte blindée interdit l’entrée du réseau souterrain qui restera accessible aux seuls chercheurs et à leurs étudiants afin d’éviter les débordements. Mais rien n’empêche d’exploiter artistiquement les dernières découvertes. Pourquoi n’inciterait-elle pas ses jeunes peintres et plasticiens à travailler le sujet ?
* Soie moirée
N.B. Ceci est une fiction
Tags : votre feuilleton du week-end, livre ancien, bibliophilie, pauvreté
-
Commentaires
Il est vrai que farfois on découvre de belels choses chez soi après les avoir oubliées très longtemps , au fond d'une cave ou d'un grenier .
J'ai vu des gens trouver de superbes choses dans les décharges; les gens jettent tout et n'importe quoi .
Bonne soirée
Liliane 62 :
Bien vu ! C'est en effet un vieux missel. Mais je n'avais rien d'autre sous la main pour illustrer mon propos !
itti :
N'anticipe pas trop !
lanourse1 :
J'espère qu'il saura te distraire.
René 1 :
Je n'imaginais pas qu'elle était aussi grande ! Un monstre...
Je prends ton feuilleton en cours de route , tu me donnes l'envie de le lire depuis le début , cela ne saurait tarder !
Bonne nuit , je viens de me rendre compte de l'heure tardive!!!
2ittiDimanche 27 Novembre 2011 à 16:17Je pense comme Liliane elle n'aura pas le courage de le vendre mais je peux me tromper.
Bonne aprè- midi
Merci Margareth, je viens avec plaisir lire ce feuilleton !
Le livre ancien ressemble à un Missel ! Il doit être très beau... Et je pense qu'elle va le garder !
Bonne après-midi Margareth.
Ajouter un commentaire
fanfan2 :
Même dans les poubelles de l'immeuble. Une fois j'ai vu un bonzaï chinois (grand) dans une superbe céramique. Je n'ai pas osé le récupérer de peur de me retrouver nez-à-nez avec celui qui venait de le jeter !