• Votre feuilleton du week-end : Le Salon de thé 50

     

    Votre feuilleton du week-end : Le Salon de thé 50



    Semaine 50 :

     

    A bout de nerfs Claude Roux s’est enfin résolue à téléphoner chez les Dessablettes dimanche après-midi. Personne ne décrochait. Ses tentatives successives pour les joindre sont restées vaines. Le téléphone sonnait toujours et encore dans le vide. Elle n’en a pas dormi de la nuit. Ces gens se moquaient d’elle ! Au matin l’impatience a fait place au désespoir. Une nouvelle fois elle a été flouée.

    Une profonde dépression s’est alors emparée d’elle. Elle était comme une loque, Votre feuilleton du week-end : Le Salon de thé 50inerte, incapable de se décider à la moindre occupation. Varech, qui sans doute ressentait sa détresse, l’importunait. Elle le repoussait sans égard puis, désolée de son emportement, elle le prenait sur ses genoux pour le couvrir de caresses.

    Dans la soirée un coup de sonnette, bref et puissant, l’a sortie de son hébétude. Qui cela pouvait-il être ? Personne jamais ne lui rend visite. Elle a hésité avant de répondre à l’interphone. Dessablettes, au pied de l’immeuble, demandait à la rencontrer au plus vite.

    Il est entré souriant et empressé, le précieux livre à la main :

    —Je ne fais que passer, a-t-il précisé tout de suite, mais je voulais faire le point avec vous. Il m’a été confirmé que les feuillets sont bien des originaux et, qui plus est, l’un d’eux porte une courte mention manuscrite du prince L. Ce qui en accroît la valeur. En revanche la reliure –mais vous vous en doutiez- date du dix-septième siècle. Je vais vous mettre en relation avec un expert de Tours qui aurait déjà un acheteur potentiel. Si cela vous arrange, je pourrais vous y conduire, toutefois pas avant jeudi.

    Claude lui aurait sauté au cou. Elle se contenta de répondre :

    —Oui, cela m’arrangerait. Je ne sais comment vous remercier.

    —Fixons une heure. Quatorze heures. Cela vous convient-il ?

    Après le départ de Dessablettes, Claude se laissa choir dans son fauteuil plus qu’elle ne s’y assît tant cette succession d’émotions extrêmes et contradictoires l’avait ébranlée jusqu’au plus intime de son être. Elle s’adressa à Varech, son unique confident :

    —Tu verras nounours, nous allons faire un beau voyage tous les deux. L’an prochain nous partirons en vacances !

    On papotine cet après-midi chez Adèle, dans la tiédeur douillette du salon de thé. Dehors la grêle fouette les vitres et le vent dépouille les branches de leurs dernières feuilles. Chacun étale à l’envi ragots, soucis et joies du quotidien, petites folies et grandes espérances. Sébastien Launay vient d’annoncer sa prochaine paternité. Il est incollable sur les couches lavables ou jetables, la layette, la fréquence des tétées, la psychologie du nourrisson, etc. Ces dames n’ont qu’à bien se tenir ! Alice parle d’Esméralda qu’elle ramènera après les fêtes, de la chambre qu’elle lui réserve, du bonheur qu’elle aura à partager la vie de sa nièce pendant quelques mois. Violaine Mukaschturm a fait poser des rideaux neufs dans son séjour, un su-per-be satin cramoisi ! A ce sujet, la belle du bout de la rue ne relève plus les siens depuis quelques temps. Bouderait-elle ses amants ? Le père Remarque, émoustillé, confie qu’en arrivant il a vu mademoiselle Roux partir en voiture avec monsieur Dessablettes ! Adèle est affligée !

    Ainsi coule le fleuve tranquille de la vie provinciale dans le bruissement des rumeurs, loin des tapages du monde, et qui roule dans ses profondeurs des guerres larvées, des amours insipides, tant de joies et de peines ignorées.

    Ce soir-là vers dix-neuf heures une fenêtre s’éclaire au premier étage. Claude Roux rentre, satisfaite de son après-midi. Elle vient de signer un contrat avec l’expert qui a promis de vendre son livre au plus vite, sans doute courant janvier. Sans la présence de monsieur Dessablettes aurait-elle osé discuter et révéler la véritable histoire de la poubelle ? L’ouvrage, lui a-t-on appris, avait disparu depuis la révolution russe, en même temps que le dernier descendant du prince L.

    N.B. : Ceci est une fiction

     

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  • Commentaires

    9
    margareth Profil de margareth
    Mercredi 21 Décembre 2011 à 09:37

    Algeroma :

    Une fois quelqu'un m'a fait remarquer qu'il y avait beaucoup de "bovarisme" en province. Et cette remarque m'a ouvert les yeux. Sans exclure (loin de là) de véritables amours, dans nombre de cas je pense que ces aventures ne sont qu'un dérivatif à l'ennui et à la médiocrité de la vie quotidienne.

    8
    Algeroma Profil de Algeroma
    Mardi 20 Décembre 2011 à 12:01

    Amours insipides...comme tu vas fort auteur!!!!!!

    Claude mérite bien son voyage après ces affres!!!Mais pourvu qu'on apprécie à sa juste valeur ce petit trésor!!!

    Bonne fin de journée!!

    7
    margareth Profil de margareth
    Mardi 20 Décembre 2011 à 08:31

    fanfan 2 :

    J'aimerais trouver l'équivalent dans mon quartier...

    6
    Lundi 19 Décembre 2011 à 17:06

    je suis rassurée pour Melle Roux;  mr Dessablette est un homme honnête!

    la vie dans ce salon de thé a pris une routine tranquille et somme toute agréable . Il sert de lien social  à tout ce petit monde .

    Bonne soirée

    5
    Lundi 19 Décembre 2011 à 08:13

    Bonne semaine Margareth

    A bientôt

    Bises

    4
    margareth Profil de margareth
    Lundi 19 Décembre 2011 à 07:55

    reinedubois, liliane 62 :

    Merci.

    Latil :

    Je n'aurais pas pensé qu'il était aussi facile d'en trouver. Mais il est vrai que dans le passé le français était très parlé par les élites européennes, y compris à l'est.

     

    3
    Dimanche 18 Décembre 2011 à 22:00

    Quand j étais jeune j ai souvent acheté des vieux livres dans les pays de l est ecrits en Français datant du XVII eme siécle. En effet, j avais toujours des billets que l on ne pouvais pas sortir du pays. J ai lu ton histoire, enfin le cinquantiéme épisode. C est bien écrit.

    Bonne soirée Margareth

    Latil

    2
    Dimanche 18 Décembre 2011 à 16:46

    Merci Margareth de partager avec nous tes écrits ! Je ne les manquerai jamais...
    Bonne fin de dimanche.

    1
    Dimanche 18 Décembre 2011 à 11:24

    Comme cela est bien vu!

    J'adore surtout toute  cette phrase:

    " Ainsi coule le fleuve tranquille de la vie provinciale.... peines ignorées"

    (C'est exactement cela)

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