• Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 11

     

    Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 11



    Malgré les nuages qui s’accumulaient l’été 1939 fut sans conteste le plus heureux de tous. Cette année-là mesdemoiselles Pochon et leurs parents s’installèrent pour trois mois aux Ecumes de Mer et purent revoir tous leurs amis de villégiature. On se photographia tant et plus comme par prémonition du drame qui allait embraser le monde. Il est vrai qu’en juin, lors d’une conversation avec le capitaine Quillet, Alfred Pochon avait fait cette remarque : « En septembre nous aurons la guerre ». Un long silence s’en était suivi. Il venait de vendre son fonds de commerce ainsi que l’immeuble qui l’abritait.

    C’est fin juillet que le docteur Drouet était venu demander à ses parents la main de Sixtine pour son fils Olivier. Une photographie des fiancés avait été prise derrière le bouquet blanc que le jeune homme lui avait fait envoyer. La jeune fille avait souhaité que sa bague fût bénie au cours d’une messe célébrée dans la chapelle de Préfailles au matin du dîner de fiançailles. Leur mariage était prévu pour le mois de novembre. Depuis Olivier déjeunait presque quotidiennement aux Ecumes de Mer. Les jeunes gens s’éclipsaient ensemble pour jouer au tennis ou faire de la voile. Guy, le frère aîné d’Olivier, manifestait de plus en plus d’intérêt pour Hélène. Aussi tablait-on déjà sur l’annonce prochaine de nouvelles fiançailles.

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    Mais la guerre qui rôdait fit irruption dans ce monde d’insouciance dès le 28 août, quand les deux frères reçurent chacun leur ordre d’appel sous les drapeaux et qu’ils se trouvèrent dans l’obligation de partir sur le champ. Adèle imagina l’émotion qu’avait dû faire naître une séparation aussi précipitée. Elle ouvrit un feuillet plié en quatre. Il avait été adressé à Sixtine deux jours plus tard, au R. que la famille Pochon avait rejoint.

    « Ma très chère Sixtine,

    Ma Bien-Aimée,

    A peine fiancés nous voici déjà loin l’un de l’autre à cause de cette odieuse guerre qui ne manquera pas d’être déclarée. Que ne nous sommes-nous rencontrés plus tôt ? Aujourd’hui les liens les plus doux nous uniraient. Gardez courage ma petite âme, aucun doute que tout cela ne soit réglé au plus vite. Nous nous retrouverons bientôt. Je vous aime, vous savez, et vous embrasse bien tendrement.

    Votre fiancé,

    Olivier »

    Le 2 septembre 1939 était affiché l’appel à la mobilisation générale. Le trois septembre la France déclarait la guerre à l’Allemagne. Tous en frémissant se remémoraient la boucherie de 14-18. Chacun espérait un retour rapide à la paix. Et s’en persuadait. On s’astreignait à beaucoup de légèreté dans les écrits. Il y était question des photos et des excursions de l’été, des « bien heureuses heures » passées ensemble, de la prochaine saison. « Puisse la guerre être finie que nous prenions joyeusement d’aussi belles vacances. »

    Sixtine, aidée de sa mère, préparait son trousseau. Elles avaient fait plusieurs déplacements dans les maisons de blanc de Tours, s’étaient renseignées auprès des couvents, avaient confié les broderies de son linge personnel à la mère Delyon qui y montrait beaucoup d’habileté. Sa robe de mariée avait été commandée à une couturière du R.

    Il ne semble pas que Guy se fût jamais déclaré à Hélène qui est restée muette sur ce point.

    Fin septembre on apprenait qu’Olivier Drouet était porté disparu dans une opération en Sarre qui avait fait plusieurs morts par mines. Le mariage fut reporté sine die. En octobre Sixtine rangea avec soin sa robe de mariée. Elle pria. Alors commença une très longue attente. Dans une lettre à Hélène Liselotte « plaint la pauvre petite ». « Nous aurions été ravis de la voir en mariée. Nous sommes désolés du malheur qui lui arrive. »

    La « drôle de guerre » s’installait. On était en conflit avec l’Allemagne mais on ne se battait pas. Les semaines se suivaient sans qu’aucune nouvelle n’infirmât ou ne confirmât la mort d’Olivier. Sixtine devenait languide. Elle traînait sa peine au long des jours. Elle ne touchait plus au piano et avait abandonné ses cours de chant lyrique. Plus personne ne se sentait le cœur à la consoler. Chaque appel téléphonique de madame Drouet se concluait par une crise de larmes de part et d’autre. Sixtine restait de longues heures immobile dans un fauteuil de l’oriel, ses yeux sans regard  tournés vers les profondeurs de la vallée.

    Quand arriva l’hiver elle refusa soudain de quitter sa chambre et ne se nourrit plus que de bouillon. Le docteur Faure, médecin de famille des Pochon, préconisa le dépaysement et leur conseilla une excellente pension de famille dans les environs de Saint-Rémy-de-Provence. Il fut convenu qu’Yvonne l’accompagnerait après les fêtes de fin d’année.

    Adèle Niessl ne parvint pas à déterminer la durée de sa retraite ni le profit qu'elle en retira. Le coffret ne livrait aucune réponse. D’une enveloppe bordée de noir elle sortit le faire-part de décès des époux Pochon, le 14 mars 1940. Il y avait été joint l’article de journal qui relatait les circonstances de l’accident automobile qui leur avait coûté la vie.

    Puis de nouveau les documents faisaient défaut. Les sœurs Pochon sans doute dépassées par les événements, submergées de chagrin, confrontées à des responsabilités qu’elles n’avaient jamais assumées, avaient eu d’autres préoccupations que celles d’archiver leurs souvenirs.


    NB : Ceci est une fiction

    Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 11généalogie de la famille Pochon

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  • Commentaires

    12
    margareth Profil de margareth
    Vendredi 13 Avril 2012 à 08:09

    Algeroma :

    Dans ma famille ce sont surtout mon père et sa soeur qui ont beaucoup souffert de la guerre. Ma tante a vécu les bombardements de Normandie et elle en est restée traumatisée à vie.

    11
    Jeudi 12 Avril 2012 à 23:07

    Triste destin qu'eurent les jeunes de cette époque là. J'entends encore maman qui me dit combien ils avaient souffert. Nous avons eu la chance ma chère amie de ne pas avoir connu cette époque terrible!

    10
    margareth Profil de margareth
    Samedi 31 Mars 2012 à 07:52

    jreinedubois :

    Je suis née aussi après la guerre. Mais il me reste de très nombreux documents familiaux et je me rappelle aussi de nombreuses anecdotes.

    Latil :

    Pendant la guerre mes grand-parents ont reçu des familles de réfugies des départements du nord (dont certains habitaient près de la frontière belge) et de l'est. Certains à leur retour ont retrouvé leurs maisons entièrement pillées. Dans les lettres adressées à ma mère, j'ai lu des histoires dramatiques.

    9
    Mardi 27 Mars 2012 à 10:21

    Une histoire bien triste, mais qui été le destin de beaucoup de jeunes mariés. Mes parents se sont mariés en 42, ils étaient cultivateur en Belgique. Mon Pére est partit sur les routes en 40  jusque dans le sud de la France, ensuite il est rentré chez lui. Cette période sombre est comme couverte d un voile avec des trous ou sont passés les balles de ceux qui y sont restés.

    Bonne journée Latil

    8
    Lundi 26 Mars 2012 à 18:16

    Je suis née après tout ces événements, j'ai l'impression de découvrir un autre monde, les  rapports entre les êtres et même le temps s'écoule autrement...


    jreinedubois

    7
    Lundi 26 Mars 2012 à 17:52

    Pauvre Sixtine!


    Elle se retrouve seule avec son trousseau!


    Bonne semaine

    6
    margareth Profil de margareth
    Lundi 26 Mars 2012 à 09:04

    titi :

    En passant d'un blog à l'autre, on apprend souvent. Chacun possède des connaissances qu'il peut partager.

    Primavera :

    Dans mon enfance (et sans doute aussi dans la tienne) nous apprenions à broder à l'école. Je possède encore une petite pochette pour ranger la serviette de table que j'ai réalisée quand j'avais huit/dix ans. Maman avait brodé son trousseau. Il m'en reste quelques pièces, une taie d'oreiller et ces deux vêtements que j'ai présenté il y a un petit moment.

    Levy Georges :

    Il est vrai que votre région est particulièrement instable et je comprends votre inquiétude pour l'avenir. J'espère que d'ici à ce votre petite-fille devienne adulte les choses évolueront dans le sens de la paix et qu'elle pourra vivre pleinement dans votre beau pays.

    fanfan 2 :

    Il m'arrive de penser à toutes ces vies tellement bouleversées par la guerre. Sans elle mes parents ne se seraient sans doute jamais rencontrés. L'avenir de mon père et de ma tante aurait été bien différent...

     

    5
    Dimanche 25 Mars 2012 à 12:20

    Ce fut  une drole de période  qui  détruisit bien des familles .

    Pauvre Sixtine qui ne s'est sans doute jamais mariée  dans l'attente du retour improbable de son fiancé !

     

    Bon dimanche

     

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    4
    Dimanche 25 Mars 2012 à 01:48
    rene1

     

    Bonjour

    hi hi tu n'a pas des gouts chinois....lol

     

    Je te souhaite un agréable dimanche

     

    Nos amitiés

     

    René

     

    3
    Samedi 24 Mars 2012 à 19:38

    Bonjour Margareth,

    Hélas, votre beau et émouvant  récit n'est pas tant une fiction, il suffit de changer la date des années pour se retrouver dans les angoisses de l'actualité. Chez-moi, c'est la Paix qui manque le plus. On ne peut faire un projet sans penser que peut-être une guerre toujours sous-jacente va éclater. Alors je regarde et caresse ma petite-fille qui aura deux ans (le 14 Juillet !) et béni sa tête innocente en murmurant une naive prière de mon invention pour la protéger de l'avenir.

    Bon et beau Dimanche.

    Amitiés ensoleillées.

    Georges L.

     

    2
    Samedi 24 Mars 2012 à 19:04

    23.24...03.2012

    Bonsoir Margareth,

    C'est très triste, mais c'était une époque très difficile... j'ai souri  en lisant que Sixtine brodait son trousseau, l'aimais broder et j'avais brodé tout mon linge de maison, tout celà n'existe plus... c'est déjà loin !

    Très belle fin de soirée

    Bisous

    Prima

     

    1
    titi.
    Samedi 24 Mars 2012 à 15:01

    Je ne connaissais pas le mot "languide" on en apprend tous les jours !

    Bonne journée !

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