• Votre feuilleton du week-end - Les Soeurs Pochon - 13

     

    Votre feuilleton du week-end - Les Soeurs Pochon - 13



    L’afflux des troupes allemandes en accroissant la population des villages menaçait de créer la pénurie et, tant au R… qu’à Préfailles, dès l’été on s’inquiétait de l’hiver. Déjà l’huile, le café et surtout l’essence se faisaient rares. Des amis de la Marne et des départements du nord informaient Hélène du pillage de leurs maisons (dont ils n’avaient retrouvé que les murs), de vols de bétail dans les fermes. On se lamentait sur « le fléau actuel » en appelant la paix.

    Chacun cherchait à échapper à ce climat toujours plus oppressant. Yvonne fuyait vers la campagne et remplissait ses cartons d’aquarelles bucoliques. Sixtine prétextait des cours de piano pour prendre sa bicyclette et rejoindre ses élèves ou son amie Félicité Dessablettes qui prononçait des mots consolateurs et savait entretenir l’espoir. Dépourvue de dons particuliers, si ce n’était sa gentillesse –qui confinait à la candeur-, Hélène se réfugiait dans les œuvres paroissiales, la préparation et l’envoi de colis aux prisonniers du R… Alcide fréquentait le café du Centre où il tapait une belote et buvait un verre avec quelques connaissances, ou bien, quand le temps le permettait, il se promenait en solitaire à l’orée des bois qui bordent le vallon. Hortense, la cuisinière, rejoignait la mère Delyon dès qu’elle disposait de temps libre. Les habitants de l’hôtel, confinés dans la promiscuité aux heures du couvre-feu, se dispersaient pendant le jour.

    Votre feuilleton du week-end - Les Soeurs Pochon - 13


    Un orage éclata alors qu’Adèle Niessl en était là de la reconstitution du passé des sœurs Pochon. Elle se leva sans prendre le temps de remettre en place les feuillets éparpillés sur la tirette de son secrétaire. Depuis la chute du grand hêtre et les incidents qui s’en étaient suivis, la stabilité du terrain l’inquiétait à chaque pluie violente. Au passage devant le bureau de son mari celui-ci la héla pour lui rappeler qu’elle n’avait rien à craindre puisque des travaux de consolidation étaient en cours. Leur projet prenait forme. Ils espéraient que leur galerie d’art serait prête pour les fêtes de fin d’année.

    Quand madame Niessl ouvrit le salon de thé, des randonneurs dégoulinants attendaient déjà, pressés contre la porte afin de s’abriter au mieux des rafales. Elle les invita à se débarrasser dans le hall de leurs imperméables et de leurs parapluies trempés. Le tonnerre tournait au-dessus de l’hôtel Pochon, ses grondements roulaient et se répercutaient le long des versants du vallon plongé dans la semi obscurité. La foudre fendait les nuages dans un jet de sifflements. Parfois la rumeur énorme de l’averse et du vent semblait une plainte confuse qui remplissait les cieux.

    Ce temps agité était propice aux confidences d’inspiration maléfique. Quelqu’un rappela ces cris entendus, disait-on, pendant la guerre par les riverains de la vallée. Des voix étouffées, des hurlements sataniques. Oui, c’était cela, démoniaques, comme venus des entrailles du ravin. Les boches avaient lâché leurs chiens sans résultat. Ses ouailles prièrent monsieur le curé d’organiser une cérémonie d’exorcisme que mesdemoiselles Pochon avaient aussitôt raillée en traitant les superstitieux d’ignares ! Dieu sait ce qu’elles manigançaient en douce, les filles Pochon. Un autre émis l’hypothèse qu’elles cachaient quelqu’un maintenant que des souterrains avaient été découverts. « Ah ! Oui ! Quelqu’un qui aurait crié pour se faire mieux repérer ? » ironisa une troisième. Puis la conversation dévia vers les croyances séculaires qui peuplaient les abords du faubourg de sorcières et de diables.

    Le retour du soleil mit fin aux spéculations. La compagnie se leva pour reprendre sa route. Adèle, perplexe, resta un moment adossée au comptoir, les yeux dans le vague.

    Noël 1940 – Hélène avait noté brièvement : « Ils ont traîné un sapin jusqu’au palier du premier. Décoré. Rires et chants une partie de la nuit. »

    La guerre n’empêchait pas les échanges de vœux. Que pouvait-on souhaiter de mieux au début de l’année 1941 que la délivrance des maux actuels, une paix durable, la liberté ? Certains n’avaient plus que du bois vert pour se chauffer, d’autres se plaignaient des saisies (volailles, bétail, vélos, bâtiments, etc.). Madame Le Chahier et Liselotte, comme les préfaillais, profitaient du bois des lambertianas gelés. La grand-mère des sœurs Pochon venait d’apprendre que de fidèles locataires n’avaient plus de travail depuis octobre et qu’ils vivaient sur leurs économies. Elle exprimait sa peine de les savoir dans une aussi triste situation. Les Drouet restaient sans nouvelles de Guy depuis qu’il avait franchi la ligne de démarcation avec le dessein de gagner l’Angleterre ou l’Afrique du Nord ; tandis qu’Olivier était toujours porté disparu. Un correspondant (qu’Adèle ne parvenait pas à identifier) écrivait : « Si l’un de vous a besoin d’un changement d’air venez, la maison est grande». Un peu plus tard, il insistait. « Avez-vous bien saisi le sens de ma dernière lettre ?  Le jardin est vaste, on peut s’y reposer tranquillement. » Que sous-entendaient ces deux dernières phrases ? A qui étaient-elles destinées ?

     

    NB : Ceci est une fiction

     

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  • Commentaires

    10
    Jeudi 12 Avril 2012 à 23:28

    Je suis contente que les soeurs aient raillé les superstitions....

    Et cet appel à changer d'air pourrait il etre l'appel à aller de l'autre coté de la Manche???

    9
    margareth Profil de margareth
    Jeudi 12 Avril 2012 à 08:18

    Petite Jeanne :

    Tu seras donc à jour pour lire la suite. Il y a déjà plusieurs épisodes pré-programmés.

    8
    Petite Jeanne
    Mercredi 11 Avril 2012 à 13:43

    Je retrouve avec plaisir les péripéties des soeurs Pochon, j'ai ratrapé mon retard..

    Bonne soirée  

    7
    margareth Profil de margareth
    Mercredi 11 Avril 2012 à 08:29

    Cigalette 10 :

    Merci pour cet effort !  Il est vrai que plus nous avons de visiteurs, plus il est difficile de s'arrêter chez chacun. Et tu n'en manque pas !

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    6
    Mardi 10 Avril 2012 à 11:09
    cigalette 10

    Coucou mon amie, j'ai rattrapé mon retard sur les feuilletons que je n'avais pas eu le temps de venir lire, toujour aussihaletant, j'aime beaucoup ton style, grand merci et gros bisous

    5
    margareth Profil de margareth
    Lundi 9 Avril 2012 à 09:09

    dalma-dog :

    Merci. J'espère que tu as passé une bonne fête de Pâques.

    Primavera :

    Merci pour cette charmante composition. On mangerait les chocolats !

    fanfan :

    D'autres indices dans les chapitres à venir ! ;-)

    4
    Samedi 7 Avril 2012 à 21:08

    Ce message était sûrement codé ,mais à qui était-il destiné ?

    La vie était rude pendant l'occupation ;les gens manquaient de tout .

    Les soeurs Pochon ont-elles caché des  résistants ou des juifs dans leurs souterrains ? On se le demande .

    Bonnes fêtes de Pâques

     

    3
    Samedi 7 Avril 2012 à 13:55

    06.07.08.__

    Bonjour Margareth,

    Vraiment mystérieuses les dernières lignes, je pense que nous saurons bientôt ce qu'elles cachent.

    Très bonne fin de journée.

    Bisous

    Prima

    2
    Samedi 7 Avril 2012 à 10:51

    Bon week-end de pâque

    Bise a+ 

    1
    Marc.
    Samedi 7 Avril 2012 à 08:49

    Je me réjouis de n'avoir pas connu cette triste époque.

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