• Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 4


    Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 4


    Ce mardi matin il y eut un bruit de catastrophe dans l’appartement d’Adèle Hermenier. Catherine se montra dans l’encadrement d’une porte, écarlate, les larmes aux yeux. Elle tenait le précieux  laque dont un coin était éclaté sur une large surface. Adèle blêmit, furieuse d’une telle maladresse. Mais sa colère retomba avant de se manifester parce qu’elle remarqua, sous le décor, ce qui pouvait être un coffret de bois. Elle l’ôta des mains de Catherine pour mieux l’examiner. Comment cela était-il arrivé ? Catherine expliqua à grand-peine qu’il lui avait échappé à l’instant où elle allait le déposer sur la cheminée pour cirer la console. « Continuez votre travail, lui dit Adèle, sans plus de commentaire. Je le ferai réparer. » Elle l’emporta dans sa chambre et l’enferma à double tour dans son armoire.


    Souvent le soir, avant d’aller au lit, elle sortait l’œuvre endommagée pour la regarder encore et tenter de résoudre ce dilemme : la faire restaurer ou la détruire pour en élucider l’énigme. Les semaines s’écoulaient et elle ne se décidait pas. Niessl était venu plusieurs fois depuis et elle ne lui en disait rien. A force de secret, elle finit par considérer que cette affaire ne regardait qu’elle, bien qu’elle éprouvât de la honte à s’immiscer, en quelque sorte, dans la vie privée d’une famille. Elle était sur le point de se comporter en voyeuse. Puis elle éteignait ses remords en se disant que le coffret n’avait sans aucun doute été qu’un support, ou bien que ce qu’elle y trouverait serait sans lien avec les Pochon. Au pire, il renfermerait le produit d’un vol. Pour l’avoir dissimulé avec tant d’art, cette cassette était très précieuse aux yeux de celui qui avait voulu la soustraire à la curiosité.


    Mois après mois Catherine constatait que la console restait nue. Inquiète de s’entendre répondre qu’elle avait provoqué un désastre irréparable, elle n’osait pas questionner Adèle –désormais madame Niessl- à son propos. Pourtant le coffret laqué dont elle ne savait que faire, envahissait toujours davantage l’esprit de madame Niessl qui n’en avait toujours soufflé mot à son mari.


    Il arriva que celui-ci dû s’absenter pour régler quelques affaires à l’étranger. Madame Niessl, seule pendant deux semaines, se résolut enfin à tenter de l’ouvrir au moyen de l’une de ces petites meules utilisées par les maquettistes. Elle s’appliqua à suivre le bord du couvercle avec autant de régularité que possible. Ce fut une tâche longue et minutieuse à laquelle elle faillit plusieurs fois renoncer.


    Quand elle enleva le couvercle, des papiers pliés qui recouvraient un paquet de photos d’apparence ancienne, tombèrent en corolle sur la table. Au-dessous, des calepins emplis d’une minuscule écriture serrée, au crayon ou à l’encre, des images de communion, des lettres, étaient rangés avec tant de précision qu’il ne subsistait aucun interstice. Elle pressentit qu’elle venait de rendre à la lumière le condensé d’une vie (et peut-être de plusieurs) qu’on avait celé avec l’espoir qu’un jour lointain il se révèlerait.


    De quelque manière qu’elle s’y prenait, Adèle n’arrivait plus à replacer son contenu dans la boîte et à refermer celle-ci. Elle prit le parti de le déposer dans le tiroir dissimulé à l’intérieur de la corniche de sa commode. A ses moments de liberté elle reprenait les documents jetés en vrac afin de les déchiffrer et de les classer.


    La teneur du premier document dont elle prit connaissance la laissa perplexe à cause de son incongruité parmi les papiers de la famille Pochon. C’était une feuille double d’un épais papier antique estampé « enregistrement timbre et domaine » et qui portait un tampon d’enregistrement d’un  franc cinquante. Il s’agissait d’un « Extrait d’acte civile (sic) de décès, de la Commune de Le R. Indre et Loire » daté du 21 juin 1885.

    Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 4


    Le vingt-trois Octobre, mille huit cent dix-neuf, par devant nous Jacques Jean Louis Maudin, Mairie de Le R. …arrondissement d’Indre et Loire, faisant les fonctions d’officier de l’Etat Civil, sont comparus : René Cérusier, laboureur, âgé de cinquante-quatre ans et François Pichard, tailleur d’habits, âgé de trente et un ans, demeurant à Le R. lesquels nous ont déclaré que Jean Delyon, fermier au hameau du Rhiu, en cette ville, né à La Plaine sur Mer département de la Loire Inférieure fils de Jean Delyon et d’Elisa Cambon, époux de Françoise Cérusier est décédé ce matin à cinq heures en son domicile, âgé d’environ soixante ans. Le premier témoin beaufrère (sic) du défunt a signé avec nous, le deuxième a déclaré ne le savoir après lecture.--------------------------------------------------------------------------------------
    Le registre est signé Cérusier, Maudin.
    Mairie de Le R.  21 Juin 1885
    Le Maire
    L.Dessablettes


    Adèle en était à ce point de ses investigations quand son mari rentra à l’improviste. Pendant une fraction de seconde elle éprouva un état comparable à celui de la dernière femme de Barbe Bleue surprise par son seigneur dans la chambre sanglante. Par la suite elle jugera ce réflexe tout à fait ridicule !

    NB : Ceci est une fiction

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  • Commentaires

    9
    margareth Profil de margareth
    Mercredi 8 Février 2012 à 09:08

    fanfan 2 :

    Le mariage d'Adèle avait été rapidement suggéré dans l'épilogue du Salon de Thé.

    L'un de mes frères est plongé dans la généalogie familile, donc dans les vieux registres. Les feuilleter (sur le net) est passionnant car les curés, pour les plus anciens, ne mentionnaient pas seulement baptèmes, mariages et enterrements, mais aussi les événements particuliers (tempête, froid exceptionnel, crime, etc.), parfois est mentionné une brève biographie du mort (le cas, par exemple, d'un jeune mendiant de 14 ans).

    8
    Mardi 7 Février 2012 à 18:22

    La question est :pourquoi tous ces documents ont-ils été cachés avec tant de soin ?

    le suspense  grandit !

    Adèle est donc mariée : je ne me souviens plus si cela s'est fait dans l'ancien feuilleton ?

    J'aime bien lire de vieux documents ; en Corse les vieux registres sont écrits en italien et en latin . J'ai fait de l'italien  heureusement !

     

    7
    margareth Profil de margareth
    Mardi 7 Février 2012 à 09:49

    Lanourse 1 :

    A défaut de voir le fameux coffret, reste à l'imaginer ! 

    6
    Lundi 6 Février 2012 à 20:43

    Le suspens grandit !quelle imagination ...j'aurais  bien envie de  voir  ce  fameux  coffret !

    A bientôt  pour  la  suite  !

    5
    margareth Profil de margareth
    Lundi 6 Février 2012 à 09:20

    Algeroma :

    L'un de mes frères est passionné de généalogie. De temps en temps il m'envoie des copies d'actes concernant nos ancêtres. Certains sont presque illisibles, d'autres très propres et bien présenté. Pour une branche il a réussi à remonter jusqu'au 16e siècle. La lecture devient alors très difficile parce que le français de l'époque est presque incompréhensible pour les non-initiés.

    Latil :

    Passionnant mais il faut beaucoup de patience pour déchiffrer ces vieux papiers. L'un de mes frères y passe des heures. Pour une branche de la famille il a réussi à remonter jusqu'en 1500 et quelque...

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    4
    Dimanche 5 Février 2012 à 20:51

    Une bien passionnante histoire, j ai aussi pas mal de papiers anciens de mes ancétre à partir de 1643, mais celui là je ne comprend rien. Par contre à partir de la révolution tout est beaucoup plus clair. Cette dame a bien fait d ouvrir le coffret car on peur recoller facilement  du bois.

    Bonne soirée Latil

    3
    Dimanche 5 Février 2012 à 19:41

    Il va falloir que je relise l'épisode précédent pour voir si un de ces noms y est cité par les dames....

    Mais là je sens qu'il ya du vécu ...Je partage cette expérience pour avoir déchifré avec difficulté les actes civils de mes ancetres!!!!!!

    2
    Martin S.
    Dimanche 5 Février 2012 à 10:00

    Toujours aussi agréable à lire et plein de suspens. Je ne manque aucun épisode !

    1
    titi.
    Samedi 4 Février 2012 à 16:26

    Quelle histoire ! Bonne journée !

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