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Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 5
Hans Niessl se contenta de sourire des cachotteries vénielles de sa femme qui n’étaient à ses yeux que des enfantillages de vieille petite fille. Il regrettait surtout qu’elle ne l’ait pas consulté avant de réduire à néant un aussi beau laque. A la différence d’Adèle, Hans n’escomptait aucune révélation particulière des documents qu’elle avait recueillis. Il ne voyait dans cette mise en scène que le délire mythomaniaque d’une hystérique qui avait cru ériger sa vie en chef-d’œuvre. Ces papiers présenteraient à la rigueur un témoignage des us du siècle passé. Après les avoir étudiés elle pourrait en faire don aux archives départementales.
Forte de l’assentiment de son mari (mais s’y serait-il opposé, elle lui aurait tenu tête) madame Niessl poursuivit sa lecture, jour après jour.
Un autre écrit faisait référence aux Delyon. Il s’agissait d’un bail à ferme en onze pages manuscrites, sur papier timbré, serré dans une chemise jaunâtre (pliée en deux) et libellé :
« Bail
Par Monsieur et Madame Pochon
A Monsieur Henri Delyon
Le 1er juin 1923 »
Il commençait ainsi :
« Entre les soussignés
Monsieur Alfred Pochon et dame Eugénie Le Chahier, son épouse qu’il autorise, propriétaires demeurant ensemble Hôtel Préfailles à Le R.
(d’une part)
Et Monsieur Henri Pochon, cultivateur, époux de dame Marie Martin demeurant au Rhiu commune de Le R.
(d’autre part) »
Suivait la description des bâtiments et des terres, l’exposé des assignations réciproques, le prix annuel de ferme (qui s’élevait à deux mille francs) payable en un seul terme à la date anniversaire de la signature du bail. Ce qui prouvait qu’à cette époque-là les Delyon n’étaient pas encore propriétaires de leur exploitation.
Pourquoi avoir gardé cet unique bail ? Le Rhiu n’était que l’une des possessions de la famille Pochon. Quel rapport autre que celui de bailleur à preneur pouvait exister entre ces deux familles d’origine si différente ? A priori Adèle n’en trouvait aucun.
Son regard s’arrêta sur une photo-carte de visite prise chez un photographe de Tours. On y distinguait une jeune femme élégante au port altier. Toutefois si sa figure présentait un ovale parfait, elle était au reste assez commune. Ce devait être un portrait d’Adélaïde du Rhiu, avant ou après son mariage, peut-être celui qu’elle avait remis à Marc Antoine Pochon lors de leurs fiançailles.
Adèle éprouvait une espèce de jouissance à manipuler ces reliquats encore muets des deux siècles passés. Elle les consultait un à un avec la frénésie d’un explorateur du temps. Elle lu pêle-mêle une image « Souvenir de la Première Communion de Stéphanie de Basquevet faite en la Basilique de Sainte-Clothilde le 17 mai 1900 », une autre de Félicité Dessablettes « Saint-Martin du R. 22 mai 1930 », le premier chapitre d’un livret à couverture mauve, intitulé Pierrot par C.G., édité à Tours par Alfred Mame et Fils en 1881 et qui commençait ainsi : « Chaumont. Sur la rive droite de la Loire, à une distance égale des villes de Blois et d’Amboise, le joli bourg de Chaumont, resserré entre le coteau et le fleuve, déploie sur une seule ligne son unique rangée de maisons. » Des feuillets avaient perdu leur reliure. Ils parlaient des lapons et des esquimaux par le capitaine Mayne-Reid. Plus récente, bien que non datée, la photo de joueuses de croquet.
Si elle voulait reconstituer l’histoire d’une vie ou celle d’un épisode de l’existence d’une famille, Adèle devrait remettre en ordre les éléments épars d’un véritable puzzle. Il lui faudrait faire preuve de méthode et de patience pour arriver à ses fins. Or elle prenait plaisir à folâtrer d’une lecture à l’autre. Dans ces conditions elle ne risquait que de tourner en rond et de n’aboutir à rien.
Jusqu’ici elle ne s’était guère concentrée sur les petits carnets qui, à l’origine, étaient entassés au fond du coffret et qui renfermaient peut-être la clef de l’énigme. L’écriture du premier qu’elle ouvrit était si menue qu’elle éprouva quelques difficultés à la déchiffrer.
« Retraite 1938 prêchée par le R.P. Saussay
Faire le tri et selon le cas retenir ou rejeter.
‘’Examinez toutes choses et retenez ce qui est bon.’’
Saint Paul I Théssaloniciens V21NB : Ceci est une fiction
Tags : feuilleton, les soeurs pochon, 19e siècle, histoire de famille
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Commentaires
Voilà qui me rappelle que j'ai à peine fini de survoler les archives familiales récupérées chez ma mère. Comme pour la généalogie, il y a un gros travail de reconstitution historique et ça prend un temps fou. Heureusement, l'informatique, ça aide. Bonne soirée.
Algeroma :
Que t'est-il arrivé ? On peut bien prendre un peu de recul vis à vis du net de temps en temps. Nous avons aussi une vie à côté.
Oh comme je la comprends Adèle(ou Margareth???).....il y a une sorte de jouissance en lisant ces documents...qui nous concerne très souvent.....percer le mystère du passé!!
Désolée pour absence. jen'étais pas très bien....mais mieux désormais!
Moi aussi, j'aime bien collectionner les documents de famille anciens en plus des photos...
Bonne après midi
Florentin978 :
Qui sait si nous n'aurions pas des ancêtres en commun ? La famille de ma grand-mère, aussi loin que nous remontions, était de Cherbourg et de sa région, au plus loin de Montebourg.
Mon beau-frère qui voulait faire la généalogie de sa femme, ma soeur en l'occurrence (et donc la mienne par ricochet) s'est accessoirement intéressé à l'histoire de nos ancêtres, c'est évidemment passionnant !
Latil :
Oui, se plonger dans ces vieux papiers est toujours passionnant, quoi qu'on y cherche. Ils sont toujours la trace laissée de ceux qui ont vécu. Ils sont le témoin d'un mode de vie.
Lanourse1 :
Qui sait ? Quand on commence à mettre le nez dans les vieux papiers, cela devient vite passionnant. L'un de mes frères qui s'intéresse à la généalogie y passe des nuits entières !
C est trés interressant les vieux baux, avec toutes les obligations du baileur et du preneur. Les surfaces étaient indiquées en unités presque disparues et les montants d argent c est difficile à se faire une idée, car méme avec un tableau d érosion monétaire fait par le CNRS, plus on retourne dans le passé, plus les erreurs sont grandes.
Bonne journée Latil
5titi.Dimanche 12 Février 2012 à 13:07titi, fanfan2 :
J'ai manqué cette information sur Préfailles. Il faudra que je me renseigne.
Aux infos de 13 heures,ils ont parlé d'un système unique en France, à Préfailles, qui permet aux habitants d'allumer les réverbères avec leur téléphone protable .
Adèle a du pain sur la planche pour reconstituer la vie de la personne qui a caché ces documents, mais c'est passionnant .
Bonne soirée , nous sommes dans la neige jusqu'au cou: cela ne s'était pas vu depuis 56 !
1titi.Samedi 11 Février 2012 à 14:09Tiens l'autre jour ils ont parlé de Préfailles à la télévision pour une histoire d'éclairage
je crois. Bonne journée !
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bauds :
Cela demande beaucoup de travail. Mais quel bonheur ensuite de faire revivre nos prédécesseurs !