• Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 8

     


    Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 8


    Sans jamais s’affronter madame Marc Antoine et madame Alfred se supportaient davantage qu’elles ne s’aimaient. Chacun ressentait la contrainte qu’elles s’imposaient pour surmonter leur antipathie réciproque. Elles se traitaient mutuellement avec respect par « charité chrétienne ». Ce qui dans leur bouche n’était pas une vaine expression. A aucun moment Adélaïde Pochon ne se serait laissée aller à critiquer sa bru devant leurs domestiques ou ses petits-enfants. Eugénie se maîtrisait moins en présence de ses enfants, mais ses écarts restaient exceptionnels.

    De Charles, qui avait vécu à peine un an, il n’était question nulle part. Une seule photo témoignait de sa brève existence, celle d’un bébé aux yeux clos, dans son berceau, ses menottes crispées sur un chapelet. Et au verso, l’inscription : Charles – Août 1909 – Janvier 1910.

    En ce qui regardait Marguerite, morte à treize ans en 1919, Adèle Niessl présuma qu’elle avait succombé à la grippe espagnole lors de la dernière vague épidémique. Les dates concordaient. On avait conservé d’elle un portrait au fusain, des poèmes copiés de sa main et un croquis aux crayons de couleurs de la « grande plage de Préfailles depuis la crique de la Roche Percée ».

    Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 8


    Certains traits de leur mère restaient gravés dans la mémoire des sœurs Pochon. Elles gardaient le souvenir de sa voix fraîche, très juste. Car Eugénie aimait chanter. Et rire aussi. Alfred la surnommait avec tendresse « ma rieuse ». Elles évoquaient souvent sa silhouette élancée, vêtue de noir qui mettait si bien en valeur sa chevelure blonde, ses yeux bleu clair, et son teint pâle. Pendant des années Eugénie porta en effet le deuil de ses proches. La Grande Guerre avait ravagé les familles. L’un des frères d’Eugénie n’en était pas revenu. Monsieur Le Chahier était mort de chagrin huit mois après le décès de Marguerite. Madame Pochon mère l’avait suivi de peu. Enfin, alors que les deux années du deuil allaient se terminer, son deuxième frère décéda de ses blessures après avoir traîné d’hôpital en sanatorium. La force de la foi avait aidé Eugénie à surmonter ces pertes successives, persuadée qu’elle était que tous leurs chers disparus les protégeaient, elle et sa famille, du haut du ciel. Elle s’habitua au noir, trouva qu’il lui seyait, y demeura fidèle jusqu’à l’âge mûr.

    Arrivée à ce stade de la reconstitution de l’histoire des Pochon, Adèle Niessl découvrit une béance de dix années. Elle avait beau réexaminer les documents un à un, consulter les dates, retourner les photos, elle ne trouvait rien qui y fit allusion. Avait-on sciemment occulté certains faits ? Etait-ce un oubli ? A moins qu’une décennie de bonheur sans nuage se vive mieux qu’elle ne se raconte.

    L’heure sonna d’ouvrir le salon de thé. A contrecoeur madame Niessl se hâta de ramasser les lettres et les photographies éparpillées sur la table et les glissa dans le tiroir de sa commode.

    Adèle était plus dispose lorsqu’elle se replongea dans les archives de la famille Pochon. Force lui fut d’admettre qu’il n’existait aucun document relatif aux années vingt. En revanche, en mars 1932 il y avait eu plusieurs échanges épistolaires entre la nièce d’un loueur et monsieur Alfred Pochon au sujet de la location d’une villa.

                                                                                      « Préfailles le 21 Mars 1932

    Monsieur,

    Mon oncle me charge de répondre à votre lettre en vous confirmant la location de la villa Les Ecumes de Mer que vous occupez habituellement au prix convenu de quatre cents francs le mois de Juin et mille deux cents francs le mois de Juillet. Vous pouvez donc y compter pour ces deux mois. Elle sera prête pour le 28 Mai.

    Nous sommes bien heureux, mon oncle et moi, de revoir madame Pochon et vos chères enfants passer deux bons mois près de nous. Soyez assuré, Monsieur, que nous ferons notre possible pour qu’elles se trouvent bien, comme d’habitude. Il est bon, dans notre solitude, de revoir les bons amis de l’été. Nous parlerons avec elles de celle qui nous a quitté et qui occupait une si grande place.

    Transmettez, Monsieur, nos meilleures amitiés à madame Pochon et notre affection à mesdemoiselles Pochon. Recevez, Monsieur, l’expression de notre bon souvenir.

                                                                                       Liselotte Renant »

    En sus de la lettre, l’enveloppe contenait deux petites photos sépia datées de juillet 1932. L’une représentait un groupe de personnes réunies autour d’un vieux monsieur assis devant des buissons d’hortensias ; l’autre, deux jeunes filles chapeautées côte à côte sur un rocher, avec une plage en arrière-plan. Il était mentionné au dos : Liselotte Renant – Yvonne Pochon.


    NB : Ceci est une fiction

    Généalogie famille Pochon Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 8  (clic sur l'image pour l'ouvrir)

     

    « Promenade champêtre - Pastoral walkFlo de Sendaï sur France Inter »
    Yahoo! Google Bookmarks

    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    14
    margareth Profil de margareth
    Mardi 6 Mars 2012 à 09:06

    Latil :

    Remonter dans sa généalogie et toujours passionnant et on y fait souvent des découvertes étonnantes. Quand j'étais enfant une très vieille tombe qui me frappait toujours : on y lisait une liste impressionnante d'enfants tous morts en très bas âge et dont plusieurs se prénommaient Charles.

    Fanfan 2 :

    Je me rappelle aussi ma mère et ses tantes toujours en noir. Rassure-toi, il y aura aussi des moments heureux mais... la deuxième guerre, hélas, approche...

    13
    Lundi 5 Mars 2012 à 20:31

    JE ME SOUVIENS  de ces femmes toujours vêtues de noir  , qui portaient le deuil toute leur vie , surtout si , elles avaient perdu quelqu'un de très proche.

    La grippe espagnole de triste mémoire, a fait beaucoup de morts  ; mes parents en parlaient   encore dans leurs vieux jours .

    La famille Pochon a quand même dû connaître des moments  heureux  malgré tout .

    Je te souhaite une bonne soirée .

     

    12
    Lundi 5 Mars 2012 à 17:44

    J ai lu ce feuilleton avec beaucoup d intéréts, car ce pourrait étre celui de ma famille. son arbre généalogique est en ma posséssion, et il y a des épisodes triste, une famille qui a eut six enfants et l ainée a suivit les autres dans la tombe à 19 ans: Maladie( grippe espagnole et autres, la guerre et méme un suicide. )

    Bonne soirée Margareth

    Latil

    11
    margareth Profil de margareth
    Lundi 5 Mars 2012 à 07:16

    Liliane 62 :

    Je ne pensais plus à certains détails que tu rapportes ici : les rideaux noirs accrochés autour des portes. Et aussi les gens dans la rue se découvraient et s'inclinaient au passage d'un convoi funèbre. La plupart se signaient.

    10
    Dimanche 4 Mars 2012 à 19:10

    Bonsoir Margareth. Je ne veux pas rater ton feuilleton hebdomadaire ! Peut-être qu'un jour tu le publieras et je pourrai le lire d'une autre façon...
    Quand mon grand-père est décédé j'avais huit ans... Maman m'avait mis un grand ruban noir dans les cheveux (blonds...). J'avais l'impression d'être une petite Alsacienne et on suivait le corbillard à pied, encore tiré par des chevaux... Je me souviens aussi des plumeaux noirs, des oeillères noires des chevaux aussi... Et ce grand drap noir qui encadrait la porte de la maison... Les temps changent...

    9
    margareth Profil de margareth
    Dimanche 4 Mars 2012 à 08:48

    Petite Jeanne :

    Bon dimanche à toi aussi, quoique le temps ne semble pas inviter à la promenade.

    8
    margareth Profil de margareth
    Dimanche 4 Mars 2012 à 08:44

    -dalma-dog :

    J'espère que nous aurons droit à quelques photos.

    titi :

    Le ciel est tout gris ce matin mais nous n'avons pas encore de vent.

    *cricrimary :

    Merci

    Algeroma :

    Comme toi je me rappelle très bien des tenues de deuil que nous devions porter autrefois. J'avais quatre ans quand l'une de mes grands-mères est décédée et déjà on m'avait fait porter une tenue grise. Adolescente, pour un deuil famillial je me rappelle avoir fait teindre en noir certains de mes vêtements, puis, pendant une certaine période  ma mère m'habilla en gris.

    Florentin :

    Bravo ! Heureusement que mes lecteurs ont l'oeil ! ;-) je ne m'étais pas aperçue de cette erreur et pourtant j'ai examiné le tableau à plusieurs reprises pour le vérifier !

    7
    Dimanche 4 Mars 2012 à 01:54
    rené1

    Bonjour je te souhaite un bon dimanche nos amitiés  René

    6
    Samedi 3 Mars 2012 à 23:48
    Florentin978

    Je ne crois qu'Adélaïde du Rhiu soit morte en 1822 ! Très utile ta fiche de généalogie pour bien fixer la place de chacun. Interessante ton histoire et fort bien racontée. On attnd la suite avec curiosité. Bises et bon dimanche. Flo.

    5
    Algeroma Profil de Algeroma
    Samedi 3 Mars 2012 à 22:50

    Le deuil était une obligation....même lors de notre adolescence...Les femmes perpétraient la tradition de la douleur.....

    Je te remercie d'avoir pris le temps de faire l'arbre des Pochons.....je crois qu'Yvonne va  réapparaître.....

    4
    Samedi 3 Mars 2012 à 21:02

    Merci pour le tableau de généalogie, on situe les personnages plus facilement.

    Très bon dimanche!.

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    3
    Samedi 3 Mars 2012 à 19:44

    Bonsoir Margareth. J’adore ton érudition, la lecture de tes textes se fait de recherches de mots peu usités comme béance – épistolaires, ce qui j’avoue me fait un bien très littéraire et en cela je te remercie. Amicalement, Chris 

    2
    titi.
    Samedi 3 Mars 2012 à 14:28

    Je te souhaite un bon week-end hélas un peu agité au niveau météo.

     

    1
    Samedi 3 Mars 2012 à 09:39
    -dalma-dog

    Salut mon amie, ce matin il y a du brouillard !!!!!!Bandit le furet est en vacance à la maison, sa petite maîtresse est partie aux skis !!!!! je te souhaite un bon week-end, bise a+ 

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :