• Votre feuilleton du week-end : Le Salon de thé 32

    Le salon de thé (base)

     

     

    Semaine 32

     

    La bruine dilue l’horizon. Assise dans l’oriel, une revue à la main, Adèle Hermenier regarde son verger. N’était-ce la tiédeur de l’air, le vert des ramures, le rouge de certains fruits, on se croirait déjà au cœur de l’automne. Les découvertes récentes ne suffisent plus à attirer de nouveaux clients. C’est pourquoi elle a décidé de fermer son commerce jusqu’à la rentrée dans l’attente de l’intervention des archéologues et de la mise en route des conférences bimensuelles d’Arts et Sciences.

    Adèle Hermenier soupire.

    Son rêve de salon de thé culturel s’estompe. La réalité est bien éloignée du salon littéraire qu’elle imaginait animer en parfaite maîtresse de maison. Un seul tableau a été vendu et sa bibliothèque est restée close. En toute objectivité son rôle se résume à celui de n’importe quelle serveuse. Hormis ceux qui la connaissent, les clients ne lui accordent pas davantage d’attention. Sa mère obtient un peu plus de succès lorsqu’elle se glisse entre les tables, mêle sa voix aux propos, joue à l’institutrice qu’elle fut. On adore cette vieille dame pimpante.

     

    Sous l'oriel

     

    Au-dessus de sa tête Jérôme Tchang, portable collé à l’oreille, converse avec son épouse qui doit rentrer ce week-end. Tout en discutant, il va et vient derrière la double porte-fenêtre et observe le balcon que la pluie fine vernisse. La grisaille a envahi l’espace où flottent les formes vagues des arbres et des buissons. Triste été. Bientôt les petites reviendront. L’appartement reprendra vie.

     

    Derrière la cloison Claude Roux se concentre sur son écran d’ordinateur à la recherche d’informations relatives au mithriacisme dont elle publiera une synthèse. Mais la navigation sur internet vous égare parfois au hasard des portails de traverse. Comment est-elle arrivée à ce nom : Marie-Line Ollier ? Celui d’une ancienne compagne d’études resté tapi à son insu au fond de sa mémoire ? Marie-Line était une belle fille solide que les femmes jalousaient mais qui pourtant répétait à tout venant qu’elle se sentait moche. Sa peau hâlée et ses cheveux dorés donnaient à son regard bleu pâle une intensité particulière. A dix-huit ans elle était fiancée à un fils de bonne famille. De temps à autre il lui remettait un chèque en blanc qu’elle s’empressait d’utiliser dans les boutiques de mode. En compensation, aux heures de pause, elle lui tricotait des pulls à n’en plus finir. Claude croyait qu’ils s’étaient embarqués à deux pour la vie. Or elle découvre en cet instant que Marie-Line a divorcé deux fois et qu’aujourd’hui elle est veuve de son troisième mari. L’envie de pleurer s’empare d’elle. Une fois encore, l’idéal radieux de sa jeunesse est piétiné…

     

    Un, deux coups sourds retentissent à l’étage. Quentin retire ses grosses chaussures de marche. L’œil-de-bœuf de sa soupente découpe un rond de ciel gris sans profondeur. Sa journée était libre. Il a erré à travers les sentes désertes des bois. Ses godillots en ont rapporté des semelles de boue qu’il va devoir décrotter. La barbe ! Il s’allonge sur son lit, la tête posée sur ses bras repliés, les jambes croisées, les yeux accrochés au plafond. Deux araignées y gambadent. Cette saison leur a été propice. Il a dû en déloger une dizaine ces jours derniers. On entend, à côté, les pas des Launay.

     

    Sébastien et Aude préparent leurs valises pour le pont du 15 août. Ils s’offrent une courte échappée vers la côte. Que faut-il prévoir ? Des maillots de bain, des cirés ou bien les deux ?  Les amoureux s’enlacent et s’embrassent pendant que le plafond blondit.

    — Le ciel s’éclaircit, remarque Sébastien. Descendons prendre le thé chez Adèle.

     

    N.B. - Ceci est une fiction

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