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    Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 6



    Adèle crut discerner dans ces quelques mots tombés par hasard sous ses yeux un encouragement à poursuivre ses recherches et l’indication d’un début de mise en forme. Elle devrait trier ces papiers, les ranger par ordre chronologique et trouver un fil conducteur. Mais l’ouvrage s’avéra plus ardu qu’elle ne s’y attendait. Des agendas avaient été remplis à des époques diverses, abandonnés puis repris, réutilisés alternativement dans un sens et dans l’autre. Certaines lettres, sans enveloppe, n’étaient pas datées comme la plupart des cartes postales et des photos. Il lui fallait comparer et procéder par analogie. Elle eut soudain l’impression de s’être enlisée au pied d’une montagne infranchissable.

    Elle devait faire une pause et ramasser son énergie avant de la tendre tout entière vers le but qu’elle s’était assignée. Si elle n’avait éprouvé un tel besoin de savoir, elle aurait baissé les bras et tout jeté. Hans Niessl s’amusait de cet entêtement à s’accrocher à une lubie.

    Lorsqu’elle reprit son travail de fourmi, au fur et à mesure de ses trouvailles, Adèle apprit successivement que le petit Valéry pesait 38 livres en juillet 1920, 42 livres en janvier 1921, 46 livres en mars 1922 ; qu’en 1911 la pâte dentifrice coûtait 15 centimes les pastilles Valda 25 centimes ; que le 18 juin 1921 il faisait très chaud à Biarritz ; qu’en 1932 la famille Pochon était arrivée à Préfailles le 28 mai et qu’elle en était repartie le dernier jour de juillet. Elle s’arrêta longuement sur la photographie d’un bébé nu allongé sur une peau de mouton, et sur le portrait d’un jeune homme blond aux traits fins, aux lèvres pulpeuses, qui fixait l’objectif de ses yeux clairs et dont la figure lui parut familière.

    Après avoir parcouru quelques missives, sa conviction fut faite qu’entre les aînés des enfants Pochon et leurs cadettes il y avait l’équivalent d’une génération d’écart au regard de l’éducation que chacun avait reçue. Valéry et Yvonne (que seulement onze mois séparaient), pour autant qu’elle pouvait en juger, avaient été très influencés par leur grand-mère née du Rhiu, femme sévère que les plus jeunes avaient peu ou pas connue.

    A partir de sa disparition le mode de vie d’Alfred et d’Eugénie Pochon semblait avoir évolué vers toujours plus de simplicité. Ils délaissèrent peu à peu leurs relations locales au profit de celles, moins huppées, des Le Chahier et de leur entourage.

     

    La vérité est que très tôt le jeune Alfred Pochon avait été écrasé par la forte personnalité de son père, homme d’affaires avisé, beau parleur, séducteur, imbu de sa supériorité. Autant d’atouts auxquels Adélaïde du Rhiu, qui atteignait la trentaine, avait succombé quand il l’avait demandée en mariage, charmée de plaire enfin. Et à quel homme ! Devenue madame Pochon elle n’avait pas tardé à réaliser que, de par son nom et son milieu, elle n’avait été qu’un faire-valoir destiné à satisfaire la vanité de Marc Antoine Pochon. Dès lors elle s’était guindée dans ses principes et confite en religion. Marc Antoine feignait de ne rien remarquer, la plaisantait tout en profitant plus que de raison de la liberté qu’offre la richesse. La plus osée des folies de sa vie avait été la construction de cet hôtel particulier sur une partie rachetée des terres ancestrales de la famille de sa femme. Ce n’était à l’origine qu’une résidence estivale qu’ils occupaient de juin à l’automne. Après le décès de son père, Alfred Pochon (qui avait épousé Eugénie Le Chahier) en fit son habitation principale et celle de sa mère.

    Toujours plus isolée, pleine de rancœur, Adélaïde Pochon reportait l’affection dont elle était sevrée sur Alfred son fils unique, qu’elle étouffait d’un trop plein d’amour maternel. A l’ombre de sa mère, triste et tourmentée, l’enfant s’étiolait.

    Devenu adulte, Alfred était en tous points l’exact opposé de son père, timide en affaires et auprès des femmes, douteur, désintéressé, porté à l’introspection et par Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 6conséquent assez solitaire. Il avait trouvé en Eugénie Le Chahier son alter ego. Elle était une femme tendre, pleine d’empathie envers les hommes et les bêtes, mais intraitable en ce qui concernait les questions de religion, comme sa belle-mère et c’était sans doute leur seul point commun.

    A la mort de son père, en dépit de sa générosité non feinte, Alfred avait eu le plus grand mal à se faire accepter par ses employés et ses voyageurs de commerce qui le jugeaient pusillanime. Ils regrettaient la fermeté et la détermination de monsieur Marc Antoine qui rassuraient. Avec lui au moins, « ils savaient où ils allaient ».

     NB : Ceci est une fiction

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  • Italie

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  • Une figure préfaillaise, l'actrice Sophie Desmarets, est morte hier.

     

    A figure of Préfailles, the actress Sophie Desmarets, died yesteday.




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