Autre particularité estivale : les locataires. Certains ont davantage marqué notre mémoire que d'autres. Tel ce jeune garçon russe qui accompagnait sa grand-mère
et sa grand-tante, deux vieilles femmes très discrètes. Elles étaient vêtues sans recherche, la tête toujours couverte de longs foulards noués sous le menton. Entre elles, ou lorsqu'elles
s'adressaient au garçon, elles s'exprimaient dans leur idiome natal. Ce qui leur conféra très vite une aura de mystère. D'autant plus que tous les trois
disparaissaient des journées entières. L'idée ne tarda pas à germer qu'elles pourraient être des espionnes soviétiques ! En réalité elles allaient probablement faire des excursions dans la
région !
Le garçon et ses secrets nous attiraient irrésistiblement. C'était un gamin à grosse tête blonde, coiffé en brosse. Très déluré pour son âge, il parlait un français plus pur que le nôtre. Mais
surtout, il manifestait une témérité sans limite. Son exercice préféré consistait à transgresser sur l'heure tous les interdits ! Grand-mère avait défendu que nous nous accrochions à l'épaisse
barre de fer qui maintenait le portail fermé. Dès qu'il l'apprit notre petit compagnon ne manqua pas d'arguments pour contrer nos objections, preuve à l'appui. Devant nous il se lança dans une
suite de démonstrations de roulades, cochon-pendu, funambule, sans que rien de particulier ne se produisit. Encouragés par l'exemple nous nous empressâmes de l'imiter comme des enragés, à
l'insu de grand-mère !