• Le blog de la voisine (base)

     

     

    8 mai 2010

     

    Qui parle de réchauffement quand mai ressemble à l’automne ? A mon retour le thermomètre de l’appartement ne dépassait pas quatorze degrés et j’ai dû rallumer le chauffage. Mes amis camping caristes, quant à eux, ont poursuivi leur route vers le sud. Toujours davantage de gens, de retraités en particulier, s’adonnent au nomadisme et apprécient la liberté qu’il leur procure. Alors que les gitans tendent à se sédentariser, nous nous empressons de suivre les chemins de leurs errances. Curieux paradoxe…

    Bien que les volets de nos voisins du rez-de-chaussée restent aussi tristement clos, la maison s’est remplie pendant mon escapade. Sébastien, ainsi que notre voisin du premier étage, ont regagné leurs pénates. Mais surtout, une vieille fille et sa mère ont emménagé dans l’appartement –libre depuis deux ans- au-dessus de ma tête. Par chance leur présence ne se manifeste que par le bruit d’une chaise traînée, de temps en temps, ou une brève course vers le téléphone ou la porte, parfois.

    En réalité la demoiselle porte sans complexe sa belle cinquantaine. Moderne, dynamique, elle n’a rien de ces êtres frustrés ou des dames patronnesses d’antan. Sa maman est une jolie dame, un peu frêle, à l’élégance classique. Elle avance à pas lents,  ramassée sur sa canne. Ces dames sont venues se présenter et nous avons pris le thé ensemble. Je crois qu’elles seront d’agréables voisines.

     

    13 mai 2010

     

    Encore et encore le vent froid, les nuages qui assombrissent le printemps. La période des beaux jours en sera diminuée d’autant. Cela me désole !

     

    14 mai 2010

     

    Yvan avait raison : Esméralda est complètement inconsciente de jeter sa vie privée en pâture à des milliers d’inconnus. Elle serait scandalisée si quiconque l’incitait à étaler de la sorte ses faits et gestes les plus intimes sur la place du village un jour de marché. Ce qu'elle fait est pourtant pire. Il est vrai que, confiné dans nos intérieurs, en tête à tête avec notre écran, l’illusion de converser avec quelques amis, voire de monologuer avec soi-même, naît vite. Si je lui en parle, elle me rabrouera, c’est sûr, convaincue que je ne suis qu’une vieille tante qui ne comprend rien à la jeunesse actuelle…

    … la sonnette carillonne…

    … un livreur est venu déposer un grand paquet plat que je n’attendais pas. Ce sont bien mes nom, prénom, adresse. Ce colis m’est donc  destiné… Que peut-il contenir ?

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  • Je plains le temps de ma jeunesse

     

     

    Je plains...Je plains le temps de ma jeunesse,
    Auquel j’ai plus qu’autre gallé
    Jusqu’à l’entrée de vieillesse,
    Qui son partement m’a celé.
    Il ne s’en est à pied allé,
    N’à cheval ; hélas ! comment donc ?
    Soudainement s’en est volé,
    Et ne m’a laissé quelque don.

    Allé s’en est, et je demeure
    Pauvre de sens et de savoir,
    Triste, failli, plus noir que meure,
    Qui n’ai ni cens, rente, n’avoir ;
    Des miens le moindre, je dis voir,
    De me désavouer s’avance,
    Oubliant naturel devoir,
    Par faute d’un peu de chevance.

    Si ne crains avoir dépendu
    Par friander ni par lécher ;
    Par trop aimer n’ai rien vendu
    Qu’amis me puissent reprocher,
    Au moins qui leur coûte moult cher.
    Je le dis et ne crois médire ;
    De ce me puis-je revancher :
    Qui n’a méfait ne le doit dire.

    Bien est verté que j’ai aimé
    Et aimeraie volontiers ;
    Mais triste cœur, ventre affamé
    Qui n’est rassasié au tiers
    M’ôte des amoureux sentiers.
    Au fort, quelqu’un s’en récompense
    Qui est rempli sur les chantiers !
    Car la danse vient de la panse.

    Hé ! Dieu, si j’eusse étudié
    Au temps de ma jeunesse folle
    Et à bonnes mœurs dédié,
    J’eusse maison et couche molle !
    Mais quoi ? Je fuyaie l’école,
    Comme fait le mauvais enfant.
    En écrivant cette parole,
    À peu que le cœur ne me fend.

    Le dit du sage trop lui fis
    Favorable (bien en puis mais !)
    Qui dit : « Éjouis-toi, mon fils,
    En ton adolescence » ; mais
    Ailleurs sert bien d’un autre mes,
    Car « Jeunesse et adolescence »
    C’est son parler, ni moins ni mais,
    « Ne sont qu’abus et ignorance. »

    Mes jours s’en sont allés errant
    Comme, dit Job, d’une touaille
    Font les filets, quand tisserand
    En son poing tient ardente paille :
    Lors s’il y a nul bout qui saille,
    Soudainement il le ravit.
    Si ne crains plus que rien m’assaille,
    Car à la mort tout s’assouvit.

    Où sont les gracieux galants
    Que je suivais au temps jadis,
    Si bien chantants, si bien parlants,
    Si plaisants en faits et en dits ?
    Les aucuns sont morts et raidis,
    D’eux n’est-il plus rien maintenant :
    Repos aient en Paradis,
    Et Dieu sauve le remenant !

    Et les autres sont devenus,
    Dieu merci ! grands seigneurs et maîtres ;
    Les autres mendient tous nus
    Et pains ne voient qu’aux fenêtres ;
    Les autres sont entrés en cloîtres
    De Célestins et de Chartreux,
    Bottés, houssés, comm’ pêcheurs d’huîtres.
    Voyez l’état divers d’entre eux.

    Aux grands maîtres Dieu doit bien faire,
    Vivants en paix et en recoi ;
    En eux il n’y a que refaire,
    Et s’en fait bon taire tout coi.
    Mais aux pauvres qui n’ont de quoi,
    Comme moi, Dieu donne patience !
    Aux autres ne faut qui ni quoi,
    Car assez ont pain et pitance.

    Bons vins ont, souvent embrochés,
    Sauces, brouets, et gros poissons,
    Tartes, flans, œufs frits et pochés,
    Perdus et en toutes façons.
    Pas ne ressemblent les maçons,
    Que servir faut à si grand peine :
    Ils ne veulent nuls échansons,
    De soi verser chacun se peine.

    En cet incident me suis mis
    Qui de rien ne sert à mon fait ;
    Je ne suis juge, ni commis
    Pour punir n’absoudre méfait :
    De tous suis le plus imparfait,
    Loué soit le doux Jésus Christ !
    Que par moi leur soit satisfait !
    Ce que j’ai écrit est écrit.

    Laissons le moutier où il est ;
    Parlons de chose plus plaisante :
    Cette matière à tous ne plaît,
    Ennuyeuse est et déplaisante.
    Pauvreté, chagrine, dolente,
    Toujours, dépiteuse et rebelle,
    Dit quelque parole cuisante ;
    S’elle n’ose, si la pense elle.

    Pauvre je suis de ma jeunesse,
    De pauvre et de petite extrace ;
    Mon père n’eut onc grand richesse,
    Ni son aïeul nommé Horace ;
    Pauvreté tous nous suit et trace.
    Sur les tombeaux de mes ancêtres,
    Les âmes desquels Dieu embrasse !
    On n’y voit couronnes ni sceptres.

    De pauvreté me guermantant,
    Souventes fois me dit le coeur :
    « Homme, ne te doulouse tant
    Et ne démène tel douleur :
    Si tu n’as tant qu’eut Jacques Cœur,
    Mieux vaux vivre sous gros bureau
    Pauvre, qu’avoir été seigneur
    Et pourrir sous riche tombeau. »

    Qu’avoir été seigneur ! ... Que dis ?
    Seigneur, las ! et ne l’est-il mais ?
    Selon les davitiques dits
    Son lieu ne connaîtras jamais.
    Quant du surplus, je m’en démets :
    Il n’appartient à moi pécheur ;
    Aux théologiens le remets,
    Car c’est office de prêcheur.

    Si ne suis, bien le considère,
    Fils d’ange portant diadème
    D’étoile ni d’autre sidère.
    Mon père est mort, Dieu en ait l’âme !
    Quant est du corps, il gît sous lame.
    J’entends que ma mère mourra,
    Et le sait bien, la pauvre femme,
    Et le fils pas ne demourra.

    Je connais que pauvres et riches,
    Sages et fous, prêtres et lais,
    Nobles, vilains, larges et chiches,
    Petits et grands, et beaux et laids,
    Dames à rebrasser collets,
    De quelconque condition,
    Portant atours et bourrelets,
    Mort saisit sans exception.

    Et meure Pâris ou Hélène,
    Quiconque meurt, meurt à douleur
    Telle qu’il perd vent et haleine ;
    Son fiel se crève sur son cœur,
    Puis sue, Dieu sait quelle sueur !
    Et n’est qui de ses maux l’allège :
    Car enfant n’a, frère ni sœur,
    Qui lors voulsist être son plège.

    La mort le fait frémir, pâlir,
    Le nez courber, les veines tendre,
    Le col enfler, la chair mollir,
    Jointes et nerfs croître et étendre.
    Corps féminin, qui tant est tendre,
    Poli, souef, si précieux,
    Te faudra il ces maux attendre ?
    Oui, ou tout vif aller aux cieux.

     

                                                François Villon

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  • Titre coup de bourdon !

     

    Guillaume se précipita hors de la classe en claquant la porte. Il courut jusqu’au couloir qui reliait les deux cours de récréation. Il y soufflait en permanence un courant d’air de tous les diables, propre à vous coller la grippe, le rhume, une pneumonie ou n’importe quoi d’autre.  L’écolier se retourna. Monsieur Pascalin ne l’avait pas poursuivi. Fallait-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ?

     

    Au-dessus de sa tête pendait la chaînette de la cloche dont la poignée était accrochée à un gros clou. Alors, pris d’une folie satanique, Guillaume s’en empara. Et dig ! Et ding ! Et dong ! Et dig, ding, dong ! Les classes se vidèrent d’un coup, bien avant l’heure et les élèves avançaient en flot vers la sortie. Mon Dieu, qu’avait-il fait ? Il attendait en tremblant l’arrivée des instituteurs. Mais comme rien ne se produisait, il résolu de se joindre à ses camarades pour rentrer chez lui.

     

    A peine éveillé, Guillaume, du fond de son lit, tournait et retournait ces événements dans sa tête. Certainement il y aurait une grave sanction. Ses parents seraient convoqués, comme ceux de Suzie quand elle avait fait péter une amorce en plein milieu de la dictée. En deux secondes elle s’était retrouvée seule en face de Monsieur Pascalin tandis que tous les autres élèves s’étaient réfugiés au fond du préau ! Invités à venir voir la directrice, son papa et sa maman avaient eu si peur de se faire réprimander qu’ils avaient délégué sa grande sœur à leur place !

     

    Quel jour sommes-nous ? Se demandait Guillaume, la tête encore pleine de sommeil. Il ne pouvait pasIllustration, Coup de bourdon aller à l’école après un tel méfait ! Il devait feindre d’être malade. Mais sa maman ne se laissait jamais amadouer. Quelle angoisse ! Il se sentait de plus en plus mal. Il avait envie de vomir et des coliques lui torturaient le ventre. A ce moment sa maman entra, souriante, et leur annonça qu’il était temps de se lever. Son frère jaillit du lit en riant. Guillaume eut soudain un doute.

    — Quel jour sommes-nous ?

    — Mercredi, répondit maman. D’habitude tu le sais bien !

    — Alors on ne va pas à l’école ?

    — Mais non. De toute façon vous êtes en vacances.

    Ses esprits revenus, « ce n’était donc qu’un cauchemar », se dit-il, soulagé. Pris d’une joie subite, il se mit à sauter sur son lit et à faire des galipettes en tous sens.

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