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    Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 10



    Adèle Niessl parcourut une dizaine de lettres pliées menu, toutes datées de Préfailles. Elles variaient à peine dans leur contenu. On aurait pu permuter les années sans relever de différences notables. Leur lecture laissait l’impression d’une sempiternelle redite du bonheur des retrouvailles des êtres et des paysages. La vie paraissait figée dans un cadre immuable, en des rites séculaires transmis de génération en génération. Elle s’écoulait dans l’inconscience des changements. Les enfants grandissaient, les adultes s’acheminaient doucement vers le grand âge. Personne n’y prêtait attention à cause du soleil, de la mer, des tempêtes, des ruelles défoncées qui résistaient au temps.

    Hans Niessl penché au-dessus de son épaule, Adèle en fit la réflexion à haute voix. Il répliqua : « Je t’avais prévenue que tu ne ferais pas de découverte sensationnelle. Ce ne sont que les souvenirs les plus ordinaires d’une famille bourgeoise du siècle précédent.

    — Je n’en suis pas aussi convaincue que toi. » Et en joignant le geste à la parole Adèle suivit deux phrases de la pointe de l’ongle. « Dans le jardin de devant, sous le bosquet d’écume de mer, nous avons recueilli des chatons protégés par une vieille porte jetée là, qui cachait une passage vers la propriété voisine. Cela m’a rappelé le souterrain de notre enfance. » Adèle Niessl releva la tête : « Alors, cher mari, qu’en pensez-vous ?

    — Pas grand-chose pour le moment. Les enfants ont pu descendre dans ce souterrain au hasard de leurs jeux. Ils s’y seront amusés. Et après ?

    — Ils en connaissaient donc l’existence quand la guerre a éclaté.

    — Bien sûr. Mais je crois que tu extrapoles un peu vite.

    — Nous en reparlerons… »

    A cette époque-là, bien que l’âge d’Yvonne eût tourné autour de la trentaine, Adèle ne relevait aucune allusion à un quelconque prétendant ou fiancé. Pourtant elle représentait un beau parti. Peut-être les bizarreries de son comportement effrayaient-elles les possibles candidats.

    De phrases plus ou moins allusives dans la correspondance entre Hélène et Liselotte, Adèle supputa que la cadette des sœurs Pochon avait été demandée en mariage par un jeune homme de la côte qui n’avait pas eu l’heur de plaire à sa famille (à moins que ce ne fût l’inverse). A mots à peine couverts Liselotte tournait en dérision le pauvre garçon et on décelait dans ces propos comme une volonté de convaincre la jeune fille qu’il ne valait pas ses regrets. Elle insistait sur le fait que ces gens, en apparence unis, se déchiraient dans l’intimité. Jusqu’à l’épilogue fatal un an après, une phrase empreinte de remords. « Ma chère Hélène, j’ai une nouvelle que je n’ose vous annoncer car vos beaux yeux vont pleurer. Il est marié de vendredi. Le mariage n’a pas eu lieu ici car sa jeune femme est nantaise. » Les larmes d’Hélène coulèrent-elles ? Rien ne l’attestait.

    Tout dénotait chez Sixtine, la dernière-née, qu’elle avait hérité de l’heureux caractère de sa mère. Ses lettres traduisaient un esprit vif, un tempérament joyeux. Elle plaisait et attirait bien que ses traits ne fussent pas exceptionnels. Mais on l’imaginait enjôleuse. La benjamine des demoiselles Pochon avait dû être gâtée plus que de raison.

    A la suite de leur séjour balnéaire les membres de la famille Pochon Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 10entreprenaient d’ordinaire un voyage touristique vers des destinations variées. Adèle Niessl tenait entre ses mains des cartes postales et des photos de Berck-Plage, Paris, Trouville, Vichy, Menton, etc. et, une année, Rome et Pompéi. Liselotte Renant et son grand-oncle s’offraient eux-mêmes quelques extras en fin de saison, une fois à Lourdes, une autre à Sainte-Anne d’Auray ou encore au Mont-Saint-Michel.

    Dans ce ciel uniformément radieux, l’arrivée au pouvoir du Front Populaire et, à sa suite, l’instauration des congés payés, éclatèrent comme un coup de semonce. Si les demoiselles Pochon prenaient des libertés avec les usages de leur milieu, elles n’en demeuraient pas moins intrinsèquement attachées aux prérogatives de leur classe comme la plupart de leurs fréquentations. Or en 1938 le peuple des usines, des bureaux et des ateliers commençait à se répandre sur « leurs » plages, à envahir les terrains de camping, spontané, gouailleur. La multitude engendrait la crainte. Les « rouges », ombre portée de l’empire soviétique, faisaient peur. Le ton jusqu’alors invariablement courtois des missives qu’Adèle compulsait devenait par endroits acerbe, d’où qu’elles proviennent. Aucun terme n’était assez dur pour exprimer le mépris en lequel on tenait les communistes. « Il y a beaucoup de monde ce mois-ci, mais quel monde commun ! Des bonshommes en casquette et des femmes qui parlent mal. C’est lamentable ! » « Le dépotoir des rouges continue de nous désoler. Dimanche il y a eu plusieurs cars. Leur haut-parleur a hurlé toute la journée, et à plusieurs reprises l’Internationale. » « Le drapeau rouge flotte sur la construction. Que c’est triste ! » De tels échanges entretenaient l’anxiété, accroissaient le sentiment d’incertitude du lendemain.


    NB : Ceci est une fiction

     

    Complément :

    Votre feuilleton du week-end : Les Soeurs Pochon - 10

    Au dos d'une carte postale postée en 1922, j'ai trouvé ce détail intéressant l'affranchissement.

    Ce qui importe c'est non pas le poids du courrier, mais la longueur du texte ! (sans doute le poids des mots ;-)

     

     

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    Elsa, Elvis : Soso le saurien - 3



    -          « Dans ce cas, la solution c’est de faire une réunion.

    -          « Oui. Et toi, Gros Nounours, tu feras un discours en tant que chef de la Compagnie des Nounours puis tu présenteras Soso après avoir rassuré tout le monde.

    -          « Oui, Elsa. Mais avant il faut rédiger la liste et tu sais bien que j’écris très mal.

    -          « Pas de problème, Gros Nounours. Je t’écoute. Tu as, j’en suis sûre, tous les noms en tête.

    -          « Moi aussi. Je peux participer. J’ai une mémoire prodigieuse. Déclare Câline.

    -          « Alors. Hippo, mon lieutenant, Lapinou, Cipy, Rebecca, Blanche, Poupou, Elvis … »

    -          « Pensez aussi à Roudoudou et Pignoufette.

    -          « Bravo, Câline.

    -          « Ainsi que les ribochons, les polochons, les ziglouglous, les lutins, les elfes, la fée du Parc floral.

    -          « Super, Gros Nounours. Et aussi, tous les animaux du bois de Vincennes.

    -          « Merveilleux. Je crois qu’on n’a oublié personne. Dis-je en relisant et en cochant les noms.

    -          « Et on pourrait terminer par une grande fête avec du miel et des gâteaux !

    -          « Bien sûr, Gros Nounours. Tu ne perds jamais une occasion de faire la fête !

    -          « Elsa. Je ne voudrais pas avoir l’air désagréable mais je suis obligée de te dire que je ne suis pas dans la liste. » me fait remarquer Câline en me regardant méchamment.

    -          « Excuse-moi, Câline. Je te rajoute tout de suite et je te mets en haut de la liste.

    -          « Merci. » Me dit-elle d’un air pincé.

    -          « Bon. C’est pas tout ça. Je prends la liste et je préviens tout le monde.

    Gros Nounours saute de mes genoux et part immédiatement en campagne.


    Elsa, Elvis : Soso le saurien - 3


     Texte : Martine Dal Farra - Illustration : Margareth St Gildas

     

     

     

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