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                                     Photo flirckr

     

    Quarante et un ans après Jan Palach, vingt ans, Mohamed Bouazizi, vingt-six ans, s’est immolé par le feu. L’un en Tchécoslovaquie ; l’autre en Tunisie. Le premier était étudiant, le second, diplômé sans travail, essayait de gagner sa vie en vendant des fruits et des légumes.

     

    Jan Palach appartenait à ces jeunes gens qui espéraient beaucoup du Printemps de Prague, instauré par Alexander Dubcek, lequel prônait un socialisme à visage humain. L’Union Soviétique envahit son pays pour écraser le mouvement.

     

    Mohamed Bouazizi avait fondé son espoir sur l’instruction qui ne lui offrit comme débouché que le chômage. Son ultime effort pour échapper à la misère a été brisé par la confiscation de sa marchandise.

     

    A quarante ans d’intervalle, deux jeunes gens ont eu le même geste pour alerter le monde sur la condition de leurs peuples, pour protester contre l’avenir dont ont tentait de les spolier. Vingt ans après le sacrifice de Jan Palach, en 1989, le bloc communiste s’effondrait sous les coups de boutoir des manifestations qui commémoraient son sacrifice.

     

    Laisserons-nous priver notre jeunesse de son futur ; l'abandonnerons-nous au désespoir total, ici et ailleurs ?

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  • Jour de neige 2Elles arrivaient en vue de l’entrée du cours Morieux lorsque Axelle s’avisa de ce que Martine ne lui avait encore rien confié d’elle-même. Comme par étourderie, elle lui demanda :

    -Et vous, qu’avez-vous reçu pour Noël,

    -Une botte d’œillets, répondit Martine avec simplicité.

    -Et quoi encore ? insista Axelle, soudain inquiète.

    -C’est tout.


    Axelle ne laissa rien deviner de ses sentiments. La conversation glissa vers des considérations banales au sujet de leurs professeurs. Mais intérieurement la stupéfaction avait déchaîné chez elle une tempête d’interrogations. Sans rancœur ni affèterie, Martine avait prononcé : « Une botte d’œillets. » Elle rapportait un fait brut qu’elle n’essayait pas de travestir d’un éclat dont il était dépourvu. Non plus qu’elle ne manifestait une quelconque animosité envers sa famille. C’était ainsi et c’était bien. Sa sereine maturité avait de quoi surprendre une camarade de son âge…

     

    Elle n’était pourtant pas une pauvresse. Ses parents avaient sans doute un peu plus de difficultés que d’autres à élever leurs dix enfants. Mais rien dans sa tenue ne la distinguait des élèves privilégiées du cours Morieux. Axelle se sentait démasquée. A son insu, Martine lui avait tendu un miroir où elle venait de découvrir avec épouvante le visage odieux de la vanité. Elle n’eut pas immédiatement conscience de ce que cet incident fugace, et a priori de peu d’importance, aurait de déterminant dans son comportement futur. Elle avait appris, pour ne jamais les oublier, l’attention aux autres et l’acceptation de la vérité de ce que nous sommes.

     

    Martine et Axelle traversèrent la rue. Le tourbillon pépiant des élèves en uniforme les happa et les entraîna à l’intérieur des bâtiments. Dehors, une petite pluie glacée lavait les dernières traces de neige sous le ciel devenu sombre.

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  • De la vitrine

    C'était un de ces matins de rentrée scolaire, voilà quelques décennies, au retour des vacances de fin d'année.  Le ciel tendu de neige laissait échapper de maigres flocons, comme pour prolonger la magie du Noël ouateux des crèches et des sapins.

     

    Axelle descendit du tramway. Le corps bandé en arc sous le poids de sa serviette de cuir blond, elle allongea le pas en direction du cours Morieux. La suite des vitrines, encore scintillantes de leurs parures de fête, excitait son impatience de revoir ses compagnes de classe. Ici un Père Noël automate ne promettait plus que des souvenirs, au milieu d'un parterre de dragées. Là une guirlande d'ampoules rouges  et vertes jetait ses dernières oeillades aux passants. Axelle leur lançait des regards hâtifs. Elle aurait tant à raconter, tout à l'heure, avant que sonne la cloche ! Elle aurait à décrire du merveilleux chargé de superlatifs. Les fêtes, les cadeaux, oui, mes amies, vous ne pouvez imaginer combien cette année ils surpassaient tout !

     

    Un détail toutefois altérait son enthousiasme : sa sœur et elle, parmi les jouets et les beaux livres, avaient trouvé chacune un blouson de cachemire d’un turquoise éclatant. En jeune fille bien élevée, Axelle avait remercié cependant qu’au fond d’elle-même, la déception atténuait le plaisir qu’elle avait eu à découvrir ses autres présents. Si précieux qu’il fut un vêtement présentait un désagréable aspect utilitaire incompatible avec l’éclat des fêtes. Un cadeau de Noël devait apporter à celui qui le recevait la part de féerie propre à le consoler des contrariétés de la vie. Un rêve peut-il se frotter au quotidien sans en être terni.? Dans ses souliers Axelle attendait d’innombrables paquets, gros d’objets futiles, surprenants ; bibelots et joujoux auxquels accrocher son imagination. Tout devait luire au plus profond de la grisaille hivernale.

     

    Elle allait contourner la place quand elle reconnu les boucles rousses de Martine, une élève de mademoiselle Sarazin. Axelle lui fit signe de la main et les deux fillettes se rejoignirent. Après avoir échangé des vœux pour l’année qui commençait, Axelle, trop heureuse d’avoir trouvé si vite une interlocutrice à éblouir, s’engouffra dans le premier silence qui se présenta. Elle submergea aussitôt sa camarade de la description intarissable de tout ce dont elle avait été comblée. Martine l’écoutait avec douceur. De temps à autre, elle se faisait préciser un détail, s’enquérait d’une émotion. Les paroles d’Axelle déferlaient sur cette auditrice attentive de qui elle ne craignait pas la contradiction.

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