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    Chez grand-mère il y avait des rituels bien établis. Le passage à la crémerie avant le dîner appartenait à ceux auxquels nous ne dérogions jamais. Chaque soir nous allions donc acheter notre lait et nos yaourts quotidiens dans le centre de Préfailles. Plus gourmande de laitages que de bonbons ou de gâteaux, c'était mon magasin d'alimentation préféré. D'ailleurs à cette époque j'avais deux vocations très affirmées : pharmacien et crémière ! Et parfois aussi boulangère, à cause de la bonne odeur du pain frais avant qu'il ne refroidisse. Nous arrivions avec nos pots à lait en aluminium que la crémière remplissait en plongeant sa mesure dans un grand bidon. Les pots de yaourt en verre étaient consignés. Nous les rendions donc en échange de ceux que nous achetions. Il me semble que la crémière fabriquait elle-même certains laitages. Jamais depuis je n'en ai dégusté d'aussi délicieux. Mais peut-être ont-ils surtout gardé le goût de l'enfance et de sa nostalgie...

    Après le dîner grand-mère distribuait les arrosoirs et les brocs de tôle peinte qu'elle entreposait dans une remise. Elle-même se munissait d'un gros arrosoir de zinc. Puis, petits et grands, nous faisions la navette entre la pompe et les planches de fleurs et de légumes. Au-dessus de nos têtes les martinets cisaillaient le ciel de leurs cris stridents. Les pétunias qui bordaient les allées embaumaient à cette heure. Au loin nous entendions tinter la clochette de M.B. qui ramenait ses chats vers leurs gamelles.

    Lorsque le couchant jetait ses premières flammes, grand-mère nous conduisait à la Grande Plage. Nous y admirions en silence l'avancée de la nuit comme le retour du monde au chaos originel - La terre était informe et vide ; il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux *. Le soleil s'éteignait jusqu'à n'être plus qu'une braise derrière la Pointe Sainte-Gildas. Alors nous rentrions tranquillement par le chemin côtier noyé d'ombre.

    * Genèse 1-2 

     


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     Avant de faire la sieste nous aidions grand-mère à débarrasser la table et à laver la vaisselle dans une bassine de zinc ou dans une cuvette de tôle émaillée. Ce n'était pas une mince affaire en l'absence de service d'eau. Nous devions d'abord la remplir à l'aide de brocs puis faire chauffer l'eau sur le gaz. Les couverts nettoyés, il fallait aller jeter les eaux grasses dans la bonde, sous la pompe. Lorsque tout était rangé, grand-mère profitait de notre sommeil pour s'asseoir enfin et lire au calme dans la cuisine où les mouches bourdonnaient.


    Comme grand-mère ne supportait ni le soleil ni la chaleur, M.B. nous emmenaient avec elle à la plage après le goûter. Nous trimballions tout un attirail de pliants, seaux de plage, pelles, râteaux ainsi que son grand parasol et son nécessaire de broderie. Le plus souvent, aux plages encombrées de vacanciers, elle préférait les criques abritées du côté de la Roche Percée ou de Margareth, voire à proximité de La Source. Elle dépliait son siège de toile à l'ombre de son parasol et brodait cependant que nous nous amusions au bord des vagues ou dans les mares.

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  • Pendant que grand-mère préparait le repas nous jouions dans le jardin. Si toutefois le mouvement de la marée l'exigeait, elle nous accompagnait d'abord jusqu'à la Grande Plage (la seule surveillée à l'époque) le temps de prendre notre bain. Plus tard, lorsque nous avons été en âge de sortir seuls, elle nous envoyait dans les rochers au pied de la villa, à marée basse. Nous pêchions des bigorneaux, des crevettes, de la friture qu'elle nous servait au déjeuner. Nous ne possédions pas de montre, mais les deux coups de cloche de la villa voisine (l'un pour rentrer, l'autre pour passer à table) nous avertissaient que l'heure était venue de remonter à la maison.
    Vacances 1956

     

     

     

     

         










      

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